L’intériorité franciscaine selon l’Évangile et les écrits de François et de Claire

S O M M A I R E

1- L'INTÉRIORITÉ  CHRÉTIENNE

II - L'EXPÉRIENCE FRANCISCAINE DE L'INTÉRIORITÉ

III -L'UNION À DIEU

IV- LA FORCE MISSIONNAIRE DE L'AMOUR INTÉRIEUR

 

Introduction

    Voici le souhait de l'apôtre Paul, dans sa prière pour chacun des chrétiens: « Je fléchis les genoux en présence du Père. Qu'il daigne vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l'être intérieur.» (Ep 3,14-16).

    L'intériorité chrétienne - avant d'être vécue dans le charisme franciscain - fait partie de l'expérience personnelle lorsque le mystère pascal de Jésus traverse et transfigure chacune de nos vies.

    L'intériorité, c'est d'abord, à la suite des événements de notre vie, cette conscience toujours plus approfondie que nous avons de notre union vitale, de notre "incorporation" au Christ Sauveur, le Premier-Né de toutes créatures nouvelles. (Col 1 )

    Mais cette intériorité même dépasse aussi tout ce que je peux humainement en comprendre. Par la foi, la Parole de Dieu me révèle justement de Lui «qu'Il est plus grand que notre coeur» (1 Jn 3,20) et «qu'Il agit en nous bien au-delà, infiniment au-delà de ce que nous pouvons concevoir» (Ep 3,20).

    Selon ce qui m'est possible, dans la foi, j'essayerai donc d'approfondir avec vous cette réalité extraordinaire mais si quotidienne, de notre intériorité chrétienne, aidée en cette réflexion par la lumière franciscaine des écrits de François et de Claire.

1)    L'INTÉRIORITÉ CHRÉTIENNE

    Précisons d'abord le sens où sera compris ici le mot d'intériorité. Dans le langage contemporain, ce mot suscite plusieurs interprétations: il veut désigner, tantôt, la réalité de "l'intimité personnelle"; ou encore, tout ce qui achemine vers la connaissance humaine, psychologique de soi-même. Prendre conscience de soi est une réalité très actuelle avec ses apports enrichissants pour la conduite de notre vie, si elle est bien assumée.

    Cependant, l'intériorité chrétienne, telle que nous l'approfondirons ensemble ici, va plutôt dans le sens d'une "sortie de soi" au-dedans, pour rencontrer l'Autre, Celui qui m'habite depuis mon Baptême et par sa grâce. C'est lui qui, sans cesse, me fait accéder à ce que je suis comme créature nouvelle, et cela, pour sa gloire. Je suis l'oeuvre de son Esprit Saint qui «prie en moi par des gémissements ineffables» (Rm 8), non seulement pour moi, mais aussi pour le monde entier. Oeuvre nouvelle, créature nouvelle, être nouveau: voilà cette vocation intérieure de mon être qui ne demande qu'à s'épanouir.

a) Les symboles évangéliques de l'intériorité:

    Il nous sera bienfaisant ici de parcourir d'une façon brève comment Jésus nous éveille, dans son Évangile, à cette dimension de notre être chrétien. Il le fait par la pédagogie des images et des symboles.

    D'abord il nous appelle à intérioriser nos actes, spécialement la prière. Par le symbole du "secret", de la "chambre secrète" (cryptos), il nous invite à descendre en nous-mêmes, dans cette profondeur cachée du coeur où seul pénètre le regard de Dieu. « Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, dans le secret.» (Mt 5,6)       Plus loin, le Christ nous éveille au "trésor caché", à l'image du "coeur": «L'homme bon, du bon trésor de son coeur, tire ce qui est bon...» (Mt 12,35). Et il explique: « Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur.» (Mt 6,21 ).

    Ce "trésor caché" du "coeur" c'est sa capacité à aimer, éveillée par l'amour même de Dieu, donc son ROYAUME caché au dedans du coeur humain. La parabole du "trésor caché" le met bien en évidence: « Le Royaume de Dieu est semblable à un trésor qui était caché dans un champ, qu'un homme vient à trouver.» (Mt 13,44). À cette découverte, le coeur se réjouit entièrement, il se dépossède de tout pour acheter ce champ en vue du "trésor caché".

    Le symbole du "levain enfoui dans la pâte" nous montre ce dynamisme interne de l'amour, fruit du Règne de Dieu en nous, qui féconde notre vie jusqu'à ce qu'elle soit "levée" en créature nouvelle.

    L'image de "l'oeil" intérieur, c'est la lampe de notre coeur, la conscience éclairée par sa lumière naturelle de la raison, mais aussi par la Parole de Dieu. Notre coeur reflète cette Parole comme en un "miroir", et il s'en éclaire avec profit: «La lampe du corps, c'est l'oeil. Vois si la lumière qui est en toi n'est pas ténèbres... Si donc ton corps tout entier est lumineux, sans aucune partie ténébreuse, il sera lumineux tout entier.« (Lc 11,34-35).

    L'image du "grain", de la "graine tombée" et enfouie dans la "bonne terre", suggère la réceptivité de notre coeur qui, dans la foi même obscure, rumine et laisse s'approfondir en lui la Parole de Salut (Mt 13,31 ). Ce dernier symbole nous achemine aussi vers le lieu décisif de la "sortie de soi", de cet abandon de nous-mêmes entre les mains de Dieu qui, mystérieusement, nous fait porter des fruits...   Car ce même "grain tombé en terre", le Seigneur nous dit que «s'il meurt, il porte du fruit en abondance.» Et il nous explique: «Celui qui aime sa vie, la perd; et celui qui cesse de s'y attacher en ce monde, la gardera pour la vie éternelle » (Jn 12,25). Ce que Paul reprendra en nous indiquant le sens de cette "sortie de soi" à la rencontre du Vivant: « Lui, le Christ, est mort pour tous afin que les vivants n'aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes. mais pour Celui qui est mort et ressuscité pour eux». Et il conclut: «Si quelqu'un est dans le Christ. c'est une créature nouvelle » (2 Co 5,15.17).

b) L'heure où les symboles évangéliques de l'intériorité s'éclairent

   Les évangélistes nous apprennent que Jésus expliquait volontiers le sens des paraboles à ses disciples (Mt 4,34). Mais, au cours de son dernier entretien avec eux, il va jusqu'à leur affirmer que « l'heure vient où je ne vous parlerai plus en figures, mais je vous entretiendrai du Père en toute clarté» (Jn 16,25). C'est en Saint-Jean qu'apparaît le sommet du don et de la vocation chrétienne à l'intériorité. Nous éprouvons ici la joie intense que Jésus promet à celui, à celle qui "trouve le trésor caché" de sa présence, de la communion des Trois. Les images deviennent plus suggestives encore, plus porteuses de sens, éclairées par la parole même du Fils: « Je vous verrai de nouveau, -nous dit-il- et votre coeur sera dans la joie, et votre joie, nul ne vous l'enlèvera » (Jn 16,22).

    Ainsi, l'intériorité chrétienne devient à la fois un don et une vocation. Un don, c'est Jésus lui-même qui l'affirme: « Celui qui m'aime, gardera ma parole, mon Père l'aimera et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure » , (Jn 14,21 ). Cette promesse de Jésus est l'appui de notre foi qui nous permet d'avancer en toute sécurité au-dedans de nous-mêmes vers Celui qui nous y attend en nous devançant. Une autre parole de Jésus vient encore ouvrir les yeux de notre coeur à la réalité de sa promesse: « Ce jour-là, nous dit-il, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, et vous en moi et moi en vous.» (Jn 14,20). Le Seigneur lui-même prie pour intensifier cette présence en nous: « Père juste, ceux-ci ont reconnu que tu m'as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai connaître pour que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux et moi en eux » (Jn 17,26).        

     L'intériorité chrétienne c'est donc l'espace, ce champ de notre esprit, de notre coeur, de notre conscience où la réalité de l'amour du Christ pour nous peut prendre racine et demeurer, se  développer et donner ses fruits.  «Que se fortifie en vous l'être intérieur, que le Christ habite en vos coeurs par la foi et que vous soyez enracinés, fondés dans l'amour...», nous résume l'Apôtre (Ep 4,16-17). L'intériorité est en ce sens vocation à répondre à cet amour, à favoriser sa croissance. Cette intériorité est "synergie", c. à d. énergies conjointes, celle de Dieu en moi et celle de ma liberté et de ma volonté en Lui, désireuse d'intensifier par sa grâce cette rencontre et cette union.

    François et Claire, si fidèles à puiser aux sources de l'Évangile, ont des expressions très imagées pour décrire ce don de l'intériorité chrétienne, pour nous y appeler comme vocation, et pour nous enseigner comment y marcher en vérité, avec confiance, assurance, joie, et même aisance.

II) L'EXPÉRIENCE FRANCISCAINE DE L'INTÉRIORITÉ

A) L'enseignement de François et de Claire

    À ce sujet, le langage de sainte Claire nous enseigne. Voici ce qu'elle en écrit dans sa troisième lettre: «Il est clair que, par la grâce de Dieu, l'âme fidèle qui est la plus digne des créatures, est plus grande que le ciel, puisque les cieux, avec les autres créatures, ne peuvent contenir le Créateur, et seule l'âme fidèle est sa demeure et son siège, et cela seulement par la charité » .(3e  lettre, 21-22)

    Elle affirme avec force sa foi: « Il est clair que, par la grâce de Dieu, l'âme fidèle...est sa demeure... et cela par la charité...»  Les paroles mêmes de Jésus sont l'appui de sa foi: «La Vérité le dit -nous dit-elle solennellement, et elle cite -: 'Celui qui m'aime, mon Père l'aimera, et moi aussi je l'aimerai, et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure'».(3e lettre 23; cf Jn 14,21)

    Remarquons ici comment Claire rejoint et complète François dans son Cantique des créatures. Celui-ci avait loué le Dieu puissant par le soleil, la lune, la terre, le cosmos entier... Claire dit que l'âme fidèle est la plus digne des créatures, et cela par la charité qui la rend semblable à Dieu. Sur la fin de sa vie, elle aussi comme François, ajoute sa strophe au Cantique: « Béni sois-tu, Seigneur, toi qui m'as créée.» (Vie)

     Claire appuie aussi sa conviction sur un fait évangélique, celui de l'Incarnation du Verbe: la glorieuse Vierge l'a porté matériellement. « Nous aussi, affirme-t-elle, lorsque nous suivons les traces d'humilité surtout et de pauvreté du Fils de Dieu, nous pouvons toujours le porter, sans aucun doute, spirituellement, contenant celui par qui, toi et toutes choses sont contenues, possédant ce que, par comparaison avec les autres possessions transitoires de ce monde tu posséderas plus fortement. » (3e lettre 24-26)

    Pour mieux profiter de ce don d'intériorité, Claire n'indique qu'une seule condition accessible à tous: aimer!  Seule la charité rend l'âme capable de recevoir , de porter Dieu lui-même. Dans cette troisième Lettre, elle nous y exhorte encore: « Aime totalement celui qui, pour ton amour, s'est donné tout entier.» (v.15}.

      Mais déjà cet amour du Christ pour nous est là et nous attend, bien avant que nous l'attirions en nous par nos actes de charité. « L'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par le Saint Esprit qui nous a été donné.» (Rm 5,5}. C'est déjà le Seigneur lui-même, agissant en nous, qui nous aime et nous donne d'aimer de sa charité, si seulement nous le voulons bien et nous l'en prions de nous aider à le vouloir.

     François lui, est plus explicite encore sur cette synergie de l'amour qui établit la demeure de Dieu en nous. Dans sa première Règle, il nous y exhorte avec une sorte d'intensité insistante: « Aimons tous, de tout notre coeur, de toute notre âme, de tout notre esprit, de toute notre intelligence, de toutes nos énergies, de tout notre effort, de toute notre affection, de toutes nos entrailles, de tous nos désirs et de toutes nos volontés le Seigneur Dieu qui nous a donné et qui nous donne à tous tout notre corps, toute notre âme et toute notre vie...» .Plus loin, il ajoute:     « Partout, en tout lieu, à toute heure, et en tout temps, chaque jour et continuellement..., gardons dans notre coeur, aimons, adorons, servons, louons et bénissons, magnifions et rendons grâce au Très Haut et Souverain Dieu éternel.» (1 R 23,8)

 B) Le symbole du "TRÉSOR"

      1) L'amour intérieur cherche et trouve son appui...

      Claire et François expriment leur expérience spirituelle de l'intériorité par le symbole biblique du trésor. Ce symbole, d'ailleurs, est l'archétype universel de l'intériorité, de la source intérieure. Celano décrit la conversion du jeune François par l'expérience évangélique d'une découverte si forte, si bouleversante qu'elle a transformé son coeur. Et le biographe conclut en ces termes: «II (François) tient à retenir Jésus Christ au centre de son âme ». Celano explique:  « Comme le marchand avisé, il soustrait aux regards des sceptiques la perle qu'il a trouvée, tandis qu'il s'efforce en cachette de réaliser tout son bien pour être en mesure de l'acheter». À cet ami intime qui l=accompagnait en sa retraite, François «affirme qu'il a découvert un  immense et précieux trésor. » (Ce 3,6)

    Cette image évangélique de la découverte du trésor, Claire aussi l'exploite dans sa troisième Lettre. Elle estime que c'est une grande sagesse, une remarquable acquisition faisant suite à un bon discernement que de l'avoir trouvé: «Vraiment, je puis me réjouir, s'écrie-t-elle, lorsque je te vois, soutenue par la sagesse de Dieu même, embrasser avec l'humilité, la force de la foi et les bras de la pauvreté, le trésor incomparable caché dans le champ du monde et du coeur humain par lequel on achète Celui par qui tout a été fait de rien.» (5-7)

      D'autres saints, avant François et Claire, transmettaient leurs conseils sur l'intériorité par ce même symbole évangélique du trésor. Ainsi saint Isaac le syrien (VIIIe siècle):    « Efforce-toi d'entrer dans le trésor qui est en toi, et tu verras le trésor céleste. Car l'un et l'autre sont un, et tu contemples les deux par la même porte.»   

    Entrer en soi, favoriser notre capacité intérieure d'aimer et de voir le mystère de Dieu, c'est en fait entrer par "la porte étroite" où il faut s'efforcer de pénétrer pour y demeurer. Le biographe de Claire nous révèle qu'elle enseignait souvent ses soeurs à ce sujet: « Elle leur enseignait d'abord à chasser de leur âme tout espèce de tumulte pour qu'elles deviennent capables de pénétrer et d'habiter le mystère de Dieu seul ».( Vie)  Elle-même, Claire, s'exerçait à cette présence intérieure: « Souvent, nous dit encore son biographe - elle se remettait en mémoire Celui dont l'amour avait imprimé l'image au plus profond de son coeur ».

 2) ...l'amour intérieur soulève le Corps

    Cet image du Fils « imprimé au plus profond de son coeur », Claire en a compris toutes les conséquences ecclésiales. Car cette image du Fils en nous contient aussi l'impression de son Corps, de cette humanité que nous formons tous. Il est étonnant de constater avec quelle perspicacité Claire nous éveille dans cette troisième Lettre à la "réalité du Corps du Christ" (Col 2,17), dans ce même passage où elle se réjouit avec sa correspondante en ce symbole de son amour intérieur, ce "trésor incomparable" qui attire Dieu et le rend présent dans le coeur humain. Elle ne termine même pas sa phrase, mais aussitôt lui affirme cette conséquence : «...pour utiliser les propres paroles de l'Apôtre (lCor 3,9; Rm 16,3), je te considère comme une auxiliatrice de Dieu même et celle qui soulève les membres succombants de son Corps ineffable». (3e lettre 8 )

      L'Apôtre Paul lui-même nous engage en Cette vision intérieure. Il prie Dieu et souhaite que nos yeux intérieurs s'ouvrent pour voir cette réalité: « Puisse-t-il (le Père de la gloire) illuminer les yeux de votre coeur pour vous faire voir quelle espérance vous ouvre son appel, quels trésors de gloire renferme son héritage parmi les saints, et quelle extraordinaire grandeur sa puissance revêt pour nous les croyants, selon la vigueur de sa force qu'il a déployée en la personne du Christ..., lui, la Tête de l'Église, laquelle est son Corps, la Plénitude de Celui qui est rempli.» (Eph 1,18). Ici Paul désigne l'Église comme la "Plénitude" du Christ comme en deux autres passages de cette même lettre aux Éphésiens (3,19 et 4,13). C'est le grand mystère où nous pénétrons à la suite du Christ.

      Le Seigneur lui-même, au cours de sa dernière prière en présence de ses disciples, leur avait ouvert les dimensions ecclésiales de cette intériorité vécue en lui: « Père..., que tous soient un. Comme toi tu es en moi et moi en toi, qu'eux aussi soient en nous afin que le monde croie que tu m'as envoyé.» (Jn 17,21). C'est là, dit Paul que «vous recevrez la force de comprendre avec tous les saints, ce qu'est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, vous connaîtrez l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance et vous entrerez par votre plénitude dans la Plénitude de Dieu » (Eph 3). Cette "Plénitude de Dieu" c'est justement ce "Corps ineffable".

      Le coeur qui aime, possède Dieu en sa communion trinitaire, et aussi le Christ en son mystère ecclésial: il est déjà missionnaire en ce fait même! Ce coeur aimant soulève et attire l'humanité, «opérant ainsi sa croissance et se construisant lui-même dans la charité..., pour grandir de toute manière vers Celui qui est la Tête, le Christ. » (Ep 4,15-16). Le point d'appui est trouvé! Devant ce mystère intérieur, l'apôtre Paul s'écrie: « Je puis tout en Celui qui me fortifie!»(Ph 4,13). La découverte du vrai trésor donne toute sa grandeur à notre coeur et lui donne comme appui ce regard de foi, déjà «vainqueur du monde» en soulevant les membres plus faibles du Corps vers Dieu.

    En ce sens, l'Eucharistie, comme sacrement-signe, éclaire et réalise toutes les dimensions de notre intériorité, à la fois personnelle et ecclésiale, dans cette «réalité du Corps du Christ».

 C) Le regard de foi et le symbole du "MIROIR"

      Un autre symbole très convaincant et très proche de la réalité du trésor intérieur de l'amour est celui du "miroir". Claire l'utilise beaucoup dans son enseignement à ses soeurs. On pourrait même affirmer que c'est là une clef très importante pour comprendre son cheminement spirituel. En cela, elle apporte certainement sa part à l'intelligence du charisme franciscain et chrétien.

      Le Christ, miroir du Père, et le chrétien, miroir du Christ, sont deux réalités du Nouveau Testament, davantage affirmées dans He 1,3, pour le Christ, et dans 2 Co 3,18 pour le chrétien:  «Le visage découvert, nous réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, et nous sommes transformés en cette même image.».

      Ce nouveau symbole complète celui du trésor. Car, en fait, être miroir, c'est refléter l'amour du Christ, c'est faire fructifier ainsi la puissance du trésor intérieur. Nous sommes sans cesse en progression, devenant de plus en plus miroir de ce Seigneur si miséricordieux qui daigne nous habiter. Quelle grâce! Quel don! «Dieu - nous écrit saint Paul , Dieu a resplendi dans nos coeurs pour faire briller la connaissance de sa gloire qui est sur la face du Christ.» (2 Co 4,6).

      À la rencontre de Celui qui remplit notre être intérieur de la lumière de son Humanité et de sa Divinité, la sainte d'Assise oriente notre regard dans l'unité et la simplicité d'un seul point d'appui et de repos plein de force: « Pose ton esprit sur le MIROIR de l'éternité; pose ton âme dans la splendeur de la gloire; pose ton coeur sur l'image de la divine substance, et transforme-toi tout entière, par la contemplation, dans l'imaqe de sa divinité.» (3e lettre, 12-13) c'est-à dire, deviens MIROIR du Christ et de son amour. Ce sont trois affirmations successives qui nous entraînent en fait à une seule. Comme le disait déjà Celano pour François: «Il tenait à retenir Jésus Christ au centre de son âme.». Ici la réalité du regard intérieur a beaucoup d'importance. C'est ce que nous voyons dans la réalité de l'union à Dieu.

 

 III -  VIVRE UNI À DIEU  selon Claire et François d'Assise

    «La dignité de tout être humain et la vocation qui lui correspond trouvent leur mesure définitive dans l'union à Dieu.»[1] Cette affirmation de notre Pasteur, Jean-Paul Il, condense la tradition séculaire de l'Église dans son vécu de l'Évangile.

      Le fruit d'une vie missionnaire, sociale, pastorale, et même contemplative, n'a sa vitalité qu'à partir de cette source première: l'union à Dieu, lui qui habite l'intime de notre coeur. Une vie devient d'autant plus "active" et "efficace", dans le meilleur sens de ces réalités, qu'elle est plus unie à cette source, en ce trésor du coeur devenu miroir pour le prochain. Mais nos deux saints, Claire et François d'Assise, tout comme l'apôtre Paul, savent d'expérience que «ce trésor, nous le portons dans des vases d'argile, pour que cet excès de puissance -entendons cette capacité du coeur humain à aimer et accueillir Dieu en lui - cet excès de puissance soit de Dieu et ne vienne pas de nous» (2 Co 4,7) et donc requiert notre attention, notre vigilance à le garder, comme la Vierge Marie qui «conservait toutes ces choses en son coeur» (Lc 2,19.51)

      Dans un premier temps, je reverrai les conseils des deux saints d'Assise visant le vécu de l'union à Dieu, et, dans une seconde partie, la conséquence ecclésiale d'une telle union.

 1)     L'UNION À DIEU

 A) Prier d'un coeur pur

      François et Claire, dans chacune de leur forme de vie, nous prescrivent avant tout: «...de désirer avoir l'Esprit du Seigneur et sa sainte opération, et de toujours prier d'un coeur pur. » (Règle de sainte Claire, 10).  Dans sa 16e admonition, la plus centrale de son enseignement, le petit Pauvre nous explique la "béatitude" du coeur pur: «Ils ont vraiment le coeur pur ceux... qui ne cessent d'adorer et de voir avec un coeur et un esprit purs, le Seigneur Dieu vivant et vrai ».  Pour nos deux saints, travailler notre coeur de façon à le rendre libre, disponible à l'esprit d'oraison, c'est le "grand labeur" de notre vécu quotidien auquel «toutes les autres choses temporelles doivent servir.» (Règle, 4) François lui-même, aux dires de son biographe, veillait à clarifier l'espace de son coeur afin que «la poussière du monde ne vienne pas, même pour une heure, ennuager l'azur de son âme »[2]. «Ce qui ne l'empêchait pas - continue Celano - de prendre à coeur les intérêts du prochain et de s'employer activement à son salut. Mais il revenait ensuite à la prière..., une prière prolongée, toute intérieure et d'une sereine humilité. C'est là qu'avec la grâce de Dieu, il réussit à surmonter souvent les terreurs et les angoisses qui assaillaient son âme.»

    Ces dernières réflexions de Celano nous ramènent à notre propre réalité. Prier d'un coeur pur n'est pas toujours facile mais cet effort est déjà "prier d'un coeur pur". Car il y a deux aspects importants de l'état de prière, deux aspects qu'il nous faut apprécier: la prière qui peine et la prière qui reçoit sans peine, la prière qui cherche et celle qui trouve. Les deux sont nécessaires, car la prière laborieuse creuse l'espace de notre désir de Dieu et le purifie; et la prière plus sereine nous donne le fruit de l'Esprit: la «douceur cachée » qui nous transforme.

    Les temps de prière, personnelle, communautaire ou liturgique que nous avons fixés ou que nous recevons durant le cours de notre vécu quotidien, sont des temps précieux: ils nous sont donnés, personnellement ou en communauté, comme peuple de Dieu, pour aller à la rencontre de Celui qui nous habite, pour courir vers lui avec amour, pour puiser en sa Présence force et douceur afin d'accomplir son Oeuvre, sa volonté. Ces temps nous sont aussi offerts pour nous exercer, nous ramener à la pureté du coeur et de l'esprit si nécessaire, plus nécessaire même que nous pouvons le penser habituellement. Car la prière d'un coeur pur rejoint le Seigneur lui-même et nous transforme en son Image. Elle porte d'une façon très efficace le « corps ineffable » de son Église et de toute la détresse humaine. Que cette prière soit laborieuse ou sereine, elle est oeuvre surnaturelle, la plus grande des oeuvres d'ici-bas.

      Lorsque Claire nous répète: «...pose ton esprit sur le Christ, miroir éternel, pose ton âme..., pose ton coeur... et transforme-toi tout entière dans l'Image de sa Divinité », et pour ce faire, d'éloigner de notre esprit et de notre coeur «amertume et brouillard intérieurs » (3e lettre), elle oriente notre regard dans une voie directe, celle que déjà, dès les premiers siècles de l'Église, de grands saints nous proposaient. Ainsi saint Basile (IVe siècle), l'un des pères de la vie religieuse: « La bonne prière est celle qui rend claire à l'âme la pensée de Dieu. Et tel est le signe que Dieu demeure dans l'âme : avoir Dieu fondé en soi par le souvenir quand la continuité de la mémoire n'est pas rompue par les soucis terrestres et quand l'esprit n'est pas troublé par des passions soudaines. Mais celui qui aime Dieu quitte toutes choses et part vers Dieu »[3].

B)   La garde et la vigilance du coeur

      Nos deux saints ont des passages admirables, à la fois inspirateurs et concrets, dans leurs écrits, au sujet de cette nécessaire vigilance-mémoire du coeur. Car cette union du coeur à Dieu c'est le fruit de leur engagement avec "Dame Pauvreté".  Ainsi François, dès l'aurore de la vocation des premières Soeurs pauvres, leur écrit ce billet qui illuminera leur chemin intérieur de prière: « Par inspiration divine vous vous êtes faites filles et servantes du Très Haut et souverain Roi le Père céleste, et vous avez épousé l'Esprit Saint en choisissant de vivre selon la perfection du saint Évangile. » (Règle, 6,3)

    Quelques années plus tard, Claire elle-même écrit à Agnès, comme écho à ce billet primitif: «Garde mémoire de ton propos; regarde toujours ton commencement. Ce que tu tiens, tiens-le; ce que tu fais, fais-le et ne le lâche pas, mais d'une course rapide, d'un pas léger, sans entrave aux pieds, pour que tes pas ne ramassent même pas la poussière, sûre, joyeuse, alerte, marche avec prudence sur le chemin du bonheur..., afin que tu accomplisses tes voeux dans cette perfection où l'Esprit du seigneur t'a appelée: Vierge pauvre, embrasse le Christ pauvre ». (2e lettre)

    La sainte nous dit de « marcher avec prudence sur ce chemin du bonheur...» . François nous montre avec plus de précisions encore ces nombreux obstacles qui empêchent la mémoire du coeur de s'épanouir et d'être heureuse en cette grâce d'union. Quelques passages de la le Règle nous montre sa sollicitude à ce sujet: « Gardons-nous bien de la malice et de la subtilité de Satan qui veut que l'homme ne tienne pas son esprit et son coeur tournés vers Dieu. En rôdant, il désire... s'emparer du coeur de l'homme... et y habiter. (...) Aussi gardons-nous bien tous, de peur que, sous prétexte de quelque récompense, de quelque oeuvre ou de quelque aide, nous ne perdions notre esprit et notre coeur ou que nous ne les détournions du Seigneur. Mais dans la sainte charité qu'est Dieu, je vous prie tous..., une fois tout empêchement écarté et tout souci et toute préoccupation laissés de côté, de faire, de la meilleure manière possible, servir, aimer, honorer et adorer le Seigneur Dieu d'un coeur pur et d'un esprit pur , ce qu'il demande par-dessus tout. Et faisons-lui toujours là une habitation et une demeure. » ( 1ère Règle de saint François, 17,27)

    La 5e prière du Pater paraphrasé pourrait être aussi l'objet de notre attention ou examen quotidien: elle suffirait à elle seule à nous guider et stimuler en cette vigilance du coeur orienté. Si elle est entretenue, nourrie et gardée, cette grâce de l'intériorité de l'amour, don baptismal et vocation quotidienne, nous apporte discernement et paix dans toutes nos oeuvres. C'est pourquoi il est si important d'y revenir, de veiller sur notre coeur, afin que l'amour y soit comme un pôle d'attraction. Il s'agit moins de rechercher un équilibre entre intériorité et oeuvres, mission à accomplir, que de favoriser surtout une relation entre la mission apostolique et le coeur qui prie et reste uni à Dieu. La vraie vie apostolique incline à la prière, à l'intériorité de cet amour, à cette mémoire du coeur; et aussi cette intériorité porte à coopérer à l'oeuvre de la rédemption, parce que, de plus en plus, cette intériorité entretenue nous fait prendre conscience de notre être de fils et de filles de Dieu, dans la même mission que le Fils envoyé par le Père.

C) Cultiver le silence intérieur

      Cultiver le silence intérieur, c'est favoriser en nous-mêmes un don de l'Esprit saint. Le silence intérieur est le signe, souvent le plus perceptible de la présence agissante de l'Esprit Saint, son "opération" en nous. Cultiver ce silence intérieur, c'est savoir en profiter et, si nous ne l'éprouvons pas, surtout au moment de la prière ou de la méditation, faire tout notre possible pour le retrouver ou y retourner: c'est là une grande sagesse. Cultiver le silence intérieur nous amène tôt ou tard à «goûter combien le Seigneur est doux » (Ps 33; 1 P). Cette douceur intérieure qui naît la plupart du temps du silence entretenue en nous, est une grâce d'harmonie, de communion, d'attirance vers le Seigneur qui nous habite. Ne pensons pas ici aux consolations, mais à l'unité intérieure qui se construit, à l'attirance en cet amour intérieur qui nous unit à Dieu, à cet amour de Dieu qui nous "affecte" (4e lettre de sainte Claire) et nous permet d'accéder comme naturellement à notre être de fils et filles en Celui qui est Fils. C'est le signe de communion par l'action, le lien de l'Esprit Saint.

      Le conseil de Claire dans sa troisième Lettre rejoint ce fruit du silence intérieur qui, mystérieusement, nous unit à Dieu et nous laisse affecter par son amour: « Ressens toi aussi, nous écrit-elle, ressens ce que ressentent les amis en goûtant la douceur cachée que Dieu lui-même a, dès le commencement, réservée à ceux qui l'aiment ».  Elle parle d'expérience car, d'après le témoignage de ses compagnes, «...on devinait chez Claire, à des indices répétées, la force qu'elle puisait au foyer de son ardente prière, et aussi la douceur qu'elle ressentait à la fréquentation de la bonté de Dieu ». (Vie 12,20)

 

IV ) LA FORCE MISSIONNAIRE DE L'AMOUR INTÉRIEUR

A) «...nous fortifier de plus en plus dans le Seigneur.»

      Chaque chrétien reçoit sa part de mission depuis l'Ascension du Fils. «II a laissé des dons à chacun, nous assure Paul, afin que le Corps entier, vivant selon la vérité et dans la charité, se construise lui-même dans la charité» (Ep 4,7). Nous sommes donc, chacun personnellement "missionnaire" par le don de notre personne tout entière qui révèle, comme en un miroir, la présence du Seigneur lui-même en sa mission. La sainte d'Assise appuie cette réalité par deux fois dans son Testament. Elle demande à ses soeurs et à tous les chrétiens de nous fortifier de plus en plus en cette grâce personnelle. «Puisque le Seigneur nous a appelées à de si grandes choses: qu'en nous puissent se mirer notre prochain, nous sommes tenues de beaucoup bénir et louer Dieu et de nous fortifier de plus en plus dans le Seigneur. » 

      Comment nous fortifier? Dans sa quatrième Lettre, elle nous affirme que « la contemplation  refait. »  Ainsi le regard intérieur de plus en plus amoureux, attentif, stable et décidé sur le Christ, nous renouvelle quotidiennement en cet amour et nous rend plus apte à le manifester au dehors pour attirer le prochain à cet amour du Père pour chacun. «Fortifie-toi dans la grâce du Seigneur Jésus », nous dit l'Apôtre Paul (2 Tm 2,1), et avec raison, car c'est là que nous recevons et accomplissons tout. «Sans moi, vous ne pouvez rien faire. » (Jn 15,5) nous dit lui-même le Christ. Et durant le cours de notre vécu quotidien, nous éprouvons de plus en plus la vérité de sa parole. C'est là que nous nous fortifions en ces expériences de joies et d'épreuves vécues unies à lui. Ainsi l'apôtre Pierre, lui aussi, nous ouvre à cette puissante espérance: « Quand vous aurez un peu souffert, le Dieu de toute grâce qui vous a appelés à sa gloire éternelle dans le Christ, vous rétablira lui-même, vous affermira, vous fortifiera. vous rendra inébranlables! » (1 P 5,10).

B) «Attire-moi..., nous courrons vers Toi!»

      Le regard intérieur entretenu par la prière nous fortifie, mais aussi la charité exprimée au dehors par nos actes. Sainte Claire nous l'affirme encore à la fin de son Testament: «Vous aimant les unes les autres de la charité du Christ, l'amour que vous avez au-dedans, montrez-le au dehors par des actes, afin que, provoquées par cet exemple (ce miroir), les soeurs croissent toujours dans l'amour de Dieu et la charité mutuelle ».

     Ce feu de l'amour intérieur qui se manifeste au dehors est en état de mission. Plus nous nous approchons de Dieu, de Celui qui nous habite, plus la grâce de notre mission personnelle s'intensifie, puisque c'est la mission d'être fils et filles de Dieu en telle situation de vie où nous sommes placés. « Comme mon Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie... » (cf. Jn 17,8), nous a dit ce Fils bien-aimé, notre frère. C'est donc cette union, ce lien indissoluble de la prière intérieure et de la mission qui suscite le cri de la bien-aimée du Cantique, cette prière du coeur reprise par Claire dans sa 4e Lettre: « Attire-moi..., nous courrons vers Toi, Époux céleste! ». En effet, si la grâce intérieure m'attire, m'entraîne sur les pas du Fils, tous ceux et celles qui me sont proches seront eux aussi attirés, entraînés vers l'Amour, par cet amour intérieur qui, en transparence, transmet sa Bonne Nouvelle.

      Maurice Nédoncelle, dans un texte contemporain très proche de la pensée de sainte Claire à ce sujet, nous dit justement les chances de l'intériorité chrétienne comme vocation actuelle: « La vocation la meilleure de notre époque ne serait- elle pas d'introduire la vie intérieure dans toutes nos actions extérieures grâce à l'habitude de l'invocation et à une paisible présence de l'amour divin dans l'accomplissement de nos tâches les plus diverses ou dans le support de nos épreuves les plus décourageantes? Ainsi pourrait se réaliser l'espoir que ce qui est au-dedans s'exprime au-dehors et que l'extériorité même soit sanctifiée, conformément au dessein divin de l'Incarnation qui couronne l'oeuvre de la création »[4].  Vision bien franciscaine!

C) * Père, c'est pour eux que je prie...+  (Jn 17)

      Prière et mission sont intimement liées en notre recherche d'intériorité chrétienne. Claire et François demeurent à ce sujet des exemples très inspirateurs. Il en est ainsi d'ailleurs dans la réalité de la prière éternelle du Fils pour nous. « Père, c'est pour eux que je prie. Garde-les dans ton amour! » (Jn 17). Ainsi, dans un seul acte, à l'exemple et en participation à la prière du Fils, nous posons notre regard sur Lui qui nous lie au même moment dans l'Esprit, à sa propre prière devant le Père, pour le salut de tous. C'est ce que le Fils lui-même veut : « Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi » . (Jn 17).

      Ainsi, la communion du Père, du Fils et de l'Esprit Saint donnée à chacun, chacune d'entre nous, c'est ce lien qui parachève tout ce que nous faisons ensemble en lui, dans la simplicité de son Unité, lui qui a nom AMOU R.

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NOTES

 Les références des chapitres et des versets, ainsi que la traduction des écrits de sainte Claire, suivent l'édition des "Sources chrétiennes": "Claire d'Assise, Écrits". (SC 325, Cerf, Paris, 1985). De même pour François d.Assise: SC 285.

Les références concernant la "Vie" et le "Procès de canonisation", suivent le livre bleu intitulé "Sainte Claire d'Assise, Documents". Éditions franciscaines, Paris 1983. De même pour François d.Assise, Ed. franc

[1] Lettre apostolique Mulierem dignitatem, 5 (1988)

[2] Thomas de Celano, Vita I, 77.

[3] Cité dans Philocalie des Pères, Bellefontaine 1979, p.162.

[4] Dictionnaire de Spiritualité, tome VII, col. 1903.

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