Jalons d'une biographie

PREMIÈRE PARTIE

JALONS D'UNE BIOGRAPHIE
DE l'EXPÉRIENCE SPIRITUELLE DE CLAIRE D'ASSISE

                A) Le don de la foi enraciné dans l'héritage chrétien
                        et reçu par Claire Favarone
                                Intégration personnelle de ce don de la foi chrétienne.

                B) Sa conversion à l'Évangile
                            marquée par l'exemple et l'enseignement de François.

                C) Les épreuves qui ont mûri sa foi et son espérance:

                                1) La lutte pour réaliser sa vocation
                                2) L'entrée dans le monde de la pauvreté
                                3) L'incertitude sur l'avenir de sa Forme de vie
                                                et les nécessités quotidiennes d'une vie pauvre.
                                4) L'épreuve de la tentation.

                D) Assumer son humanité: maturité humaine et spirituelle de Claire.

                                1) Sa capacité de décision
                                                . dans sa relation à Dieu,
                                                . dans le propos de sa «sainte vocation».
                                2) son sens du discernement et de la discrétion
                                3) son acceptation amoureuse des contingences humaines:
                                                . les "fragilités" humaines de Claire et de ses soeurs,
                                                . le milieu social contraire à sa Forme de vie,
                                                . l'espace restreint où évolue son cheminement spirituel.
                                4) son humanité envers autrui.

                E) Vivre sa mort dans le mystère pascal
                                du «pauvre crucifié», le « Roi de gloire».

                Travaux et lectures complémentaires


JALONS D'UNE BIOGRAPHIE DE l'EXPÉRIENCE SPIRITUELLE DE CLAIRE D'ASSISE

« Le Fils de Dieu s'est fait pour nous la VOIE» (Testament).

                Vivre l'Évangile au quotidien, à la suite du «Christ pauvre et crucifié» (1L 13), c'est la réalité première qui illumine et conduit tout le cheminement spirituel de Claire. Plus encore, au coeur de cet Évangile vécu, Claire s'unit au Christ pauvre et devient pour tous le "Miroir" des réalités évangéliques et, par conséquent, de la Vie divine elle-même en son mystère de communion.

                Pour un profit plus actuel, nous verrons d'abord comment, dans sa vie concrète, s'est réalisée la voie de sa conversion évangélique et de sa transformation chrétienne: ce seront les jalons de son cheminement spirituel, bien inséré dans le tissu social, terrestre et temporel de sa vie. Et, dans un deuxième temps, nous explorerons comment elle a vécu et enseigné ce chemin de plus en plus engagé à la suite de la charité du Christ: le "bon commencement", la "croissance", la "persévérance" dans la "perfection", "transformation-union"8 . Après avoir vu quelques aspects importants qui ont caractérisé son cheminement évangélique, il nous sera possible sans doute de mieux approfondir les avenues de son chemin intérieur et de sa prière contemplative.

A) Le don de la foi enraciné dans l'héritage chrétien et reçu par Claire Favarone.

                Comprendre le cheminement spirituel de cette femme du 13e siècle c'est voir de près ce qu'a été la réaction de sa conscience devant le mystère de l'Évangile, comment elle accueille l'héritage chrétien transmis à cette époque, par l'Église et sa famille, . Comment a-t-elle vécu cette première éducation, puis sa conversion où elle assume cette formation reçue? Tout le message évangélique est de nous rendre fils et filles de Dieu en Jésus, le Fils premier-né, et par l'Esprit Saint, lien de perfection. La conscience spirituelle de la jeune patricienne s'éveille et, grâce à ce milieu favorable, elle «assume personnellement le don divin de la vie chrétienne grâce auquel [elle] est conduite à une plus grande clarté intérieure et à un engagement plus rigoureux». 9

                Très tôt,- nous percevons ici une différence avec le cheminement spirituel de François- très tôt, la jeune Claire, aux dires de son premier biographe, «reçut dans un coeur docile les rudiments de la foi que sa mère lui transmettait» (Vie 2,3). Ce témoignage reste proche de la réalité. L'auteur nous avertit dans sa préface qu'il a eu le souci de rejoindre les témoins immédiats qui ont vécu avec Claire Offreducio. Lui-même écrit cette Vie à peine trois ou six ans après la mort de la Sainte (donc, entre 1250 et 1260).

                Nous avons aujourd'hui cet avantage de bénéficier du témoignage de plusieurs personnes de l'entourage immédiat de Claire d'Assise, d'abord au cours de son enfance, puis de sa jeunesse et de sa vie au monastère. Quelques-uns même l'ont connue du commencement de sa vie jusqu'à sa mort, telle, semble-t-il, Pacifica, l'une de ses compagnes au monastère. C'est donc grâce à eux que nous pouvons accéder, avec une certaine précision, aux premières manifestations extérieures de sa quête de Dieu.

                Sa mère: une femme de grande foi! Le biographe de Claire la dépeint ainsi:

«Sa mère Ortolana, bien que mariée, bien que maîtresse de maison, prenait le temps d'assister aux offices et de pratiquer les oeuvres de charité et de dévotion. C'est ainsi, par exemple, qu'elle entreprit un pèlerinage au-delà des mers et visita les lieux sanctifiés par le passage de l'Homme-Dieu. Elle eut le bonheur d'en revenir saine et sauve dans sa patrie. Elle s'en fut de même prier au sanctuaire de l'archange saint Michel et visita avec piété le tombeau des saints apôtres à Rome» (Vie 1,1).

                Ce passage du récit nous révèle la foi profonde manifestée par cette femme pèlerine qui semble bien à l'aise devant le risque de se rendre en Terre Sainte, puis au Mont Gargan, et Rome. Les dangers des pèlerinages, en cette époque, n'épargnaient pas les nobles, même accompagnés d'une vaillante escorte.

                Dès avant la naissance de Claire, la foi de sa mère se manifeste encore. Ainsi, au Procès de canonisation, soeur Cécile nous rapporte les propos d'Ortolana elle-même, entrée au monastère quelques années plus tard:

«Elle rapporta avoir entendu la mère de la sainte raconter que, lorsqu'elle était enceinte de Claire, elle se tenait un jour devant la croix, demandant au Seigneur de l'aider dans les dangers de la maternité; elle entendit une voix lui dire qu'elle enfanterait une grande lumière qui éclairerait merveilleusement le monde» (Pr VI,12).

                Intégration personnelle de ce don de foi

                L'enfance de Claire se caractérise par un goût précoce: elle cherche Dieu. Son biographe nous donne quelques traits de cette quête intérieure qui l'attire:

«Son occupation préférée était la prière: elle y éprouvait de grandes douceurs. N'ayant pas de chapelet pour égrener ses Pater, elle utilisait un sachet de petits cailloux pour compter ses prières au Seigneur. /.../ Lorsqu'elle sentit lui monter au coeur les premiers élans du plus haut amour, elle jugea que l'instabilité des beautés de ce monde ne valait pas qu'on s'y attache: l'onction de l'Esprit le lui apprenait. Extérieurement épanouie et parée selon les exigences mondaines, elle revêtait intérieurement le Christ Jésus» (Vie 2,4).

                À l'âge de l'apprentissage et de l'expérience, à mesure que croît en elle l'effet de cette «douceur cachée», reçue de sa prière persévérante, Claire manifeste, malgré son humble désir de rester cachée, les fruits de l'Esprit, comme les décrit l'apôtre Paul: «charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi... » (Ga 5,22).

                Dame Bona, l'amie de sa mère, qui a vécu très près de la famille, décrit la jeune fille ainsi:

«À l'époque où Claire entra dans la vie religieuse, c'était une jeune fille de 18 ans environ, d'une grande maturité d'esprit... Elle était très douce et s'appliquait à toutes sortes de bonnes oeuvres» (Pr XVII,4).

                Quelles étaient ces "bonnes oeuvres"? Bien documenté, Celano, dans sa "Vie", nous les décrit:

«Spontanément, elle étendait la main vers les pauvres... Afin de rendre son offrande plus agréable à Dieu, elle se privait elle-même de plats fins qu'elle faisait porter en cachette à de pauvres orphelins. Chez elle, la délicatesse du coeur grandissait avec l'âge; elle possédait une âme sensible aux misères d'autrui et prenait en pitié les souffrances des malheureux» (Vie 2,3).

                Comme l'assure le Christ lui-même, dans son Évangile, en indiquant les signes du progrès intérieur: «C'est du trop plein du coeur que parle la bouche... » (Lc 6,45). Claire aussi, au témoignage d'un voisin, exprime sa foi comme le trésor qui sollicite de plus en plus le champ de sa conscience et de son coeur: «...au cours des réunions avec ceux de sa famille, elle cherchait toujours à parler des choses de Dieu» (Pr XVIII,3).

                Ainsi, dès la fin de son adolescence, Claire manifeste déjà à ses proches ce qui caractérisera sa vie intérieure et personnelle: décision, persévérance, liberté vécue à la fois dans la douceur et la force intérieures; esprit d'initiative aussi qui accompagne son désir profond de rester cachée, discrète. C'est ce que décrit dame Bona, l'amie intime de sa mère:

«[Claire] restait continuellement à la maison, elle demeurait cachée, ne cherchait pas à se montrer, et s'arrangeait pour ne pas être vue de ceux qui passaient devant chez elle. /... / Madame Claire m'avait envoyée au sanctuaire de Saint-Jacques de Compostelle, parce qu'ayant elle_même reçu beaucoup de grâces elle désirait que d'autres en fussent pareillement favorisées. Et Claire, par dévotion, me confiait certaines sommes d'argent, me commandant de les porter à ceux qui travaillaient à Sainte-Marie-des-Anges, afin qu'ils pussent acheter de la viande» (Pr XVII,4.6-7).

B) Sa conversion à l'Évangile, marquée par l'exemple et l'enseignement de François.

                La conversion évangélique de Claire est le point d'arrivée de deux attraits spirituels suscités par l'Esprit Saint: celui de Claire pour François, et, tout autant, celui de François pour Claire (Vie 3). Cependant nous voyons se dessiner peu à peu ce point d'arrivée de la conscience de Claire. L'attente que la jeune fille impose à sa famille qui lui proposait plusieurs possibilités de mariage, et des plus avantageux pour elle, suppose chez Claire une orientation intérieure assez décidée au sujet du Christ. Voici ce que nous révèle à ce sujet Messire Rainier, son parent par alliance:

«Comme elle était belle de visage, on avait entrepris de lui chercher un mari. Beaucoup de ses parents insistaient pour qu'elle consentît à se marier, mais elle ne voulut jamais. Et le témoin lui_même ayant à maintes reprises essayé de la convaincre, elle avait fini par refuser de l'écouter» (Pr XVIII,2).

                En cet espace de temps, Dieu lui fait signe justement par ces luttes renouvelées plusieurs fois qu'elle doit soutenir contre sa famille. Un voisin, Messire Pierre de Damiano, se souvient:

«Il vit son père et sa mère et ses autres parents vouloir la marier magnifiquement, selon son rang, à des hommes nobles et puissants. Mais la jeune fille qui pouvait alors avoir dix_sept ans, ne voulut jamais y consentir; elle voulait rester vierge et vivre en pauvreté» (Pr XIX,2).

                Un nouveau signe apparaît alors sur sa route de conversion: François, l'homme nouveau! Le biographe primitif nous décrit cet attrait spirituel qui sera à l'origine de la vocation de Claire:

«Elle entendit alors parler de François dont le nom était déjà célèbre. C'était lui l'homme nouveau, disait_on; c'était lui qui, par ses vertus vraiment nouvelles avait réinventé un moyen de sanctification que le monde avait laissé tomber dans l'oubli. Elle eut bientôt le désir de le voir et de l'entendre» (Vie 5).

                Jean de Ventura, l'un des hommes d'armes de son père, rapporte: «Claire ayant appris comment François avait choisi la voie de la pauvreté, résolut en son coeur de l'imiter» (Pr XX,6). Ici apparaît en clair l'influence de François sur la jeune femme, sa cadette de onze ans. Il est ce que nous discernons aujourd'hui, comme le "mentor" de la jeune adulte qui cherche sa voie, le sens à donner à sa vie, selon son aspiration profonde.

                La jeune soeur de Claire, Béatrice, nous rapporte comment François fut attiré vers Claire: « François eut connaissance de ce renom de sainteté [de Claire]» (Pr XII,2). Celano ajoute: «Il désirait la voir et lui parler. Il lui rendit visite et elle vint souvent le voir» (Vie 3,5). Béatrice complète et laisse deviner le sujet de leurs entretiens: «Il alla plusieurs fois la rencontrer pour lui parler de l'Évangile, si bien qu'à sa prédication, elle renonça à toutes les choses de ce monde et se disposa à servir Dieu dès qu'elle le pourrait» (Pr XII,2).

                Dame Bona, qui connaît la jeune fille depuis son enfance et demeurait dans la même maison, retient pour nous les sujets des entretiens de Claire et de François. Elle dit qu'elle-même «l'accompagna souvent lorsque Claire allait parler avec saint François, ce que toutes deux faisaient en secret pour n'être point surprises par ses parents. On lui demanda ce que saint François lui disait. Elle répondit: il l'exhortait à se convertir à Jésus Christ. Et frère Philippe parlait de même. Et [Claire] les écoutait volontiers et acquiesçait à tous leurs bons enseignements» (Pr XVII,2). Le biographe primitif nous rend présent la décision de cette jeune fille: «Elle s'en remit alors totalement aux directions de François; elle avait résolu de le prendre après Dieu, pour guide de sa vie. Elle se conforma à tous ses avis et reçut ainsi d'un coeur fervent tout ce qu'il lui enseignait sur le Christ Jésus» (Vie 3,6).

                Cet enseignement de foi évangélique, reçu du petit Pauvre d'Assise, Claire le gardera tout au long de sa vie. François, par le miroir de sa vie évangélique, lui offre le lieu d'une profonde intériorisation de ce qu'elle vivait déjà au cours de son enfance et de son adolescence, comme orientation et comme conduite. François l'ouvre à sa vie d'adulte chrétienne et suscite son discernement personnel. Il lui révèle l'amplitude de sa foi chrétienne. Mais aussi, plus encore, il la fait entrer dans sa voie spirituelle par l'illumination de son propre charisme. Au début de son Testament, Claire témoignera elle-même de l'importance de ce début, de cette illumination où, par l'intermédiaire de l'exemple et de l'enseignement de François, Dieu lui a fait don de sa vocation personnelle, puis communautaire, à la suite du Christ pauvre et humble:

«Le Fils de Dieu s'est fait pour nous LA VOIE que, par la parole et par l'exemple, nous a montrée et enseignée notre très bienheureux père saint François, son véritable amant et imitateur»(Test 5).

C) Les épreuves qui ont mûri sa foi et son espérance
                        dans le chemin de sa conversion à l'Évangile.

                1) La lutte pour réaliser sa vocation personnelle à l'Évangile:

                    «Vous n'êtes pas de ce monde, disait Jésus à ses disciples; c'est moi qui vous ai mis à part du monde» (Jn 15,19). Et, en écho, l'apôtre Jean affirme: «Le monde passe avec ses convoitises, mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement». Son conseil est conséquent: «N'aimez ni le monde ni les choses du monde» (1Jn 2,15).

                    La jeune Claire, en suivant les conseils de François, s'apprête «à renoncer à toutes les choses de ce monde» (Pr XII,2). Ce langage johannique sera entendu par Claire et se lira dans ses écrits. Le "monde" dont il est fait mention ici vise la vie présente de ce siècle, cette vie en tant qu'elle s'oppose à la vie éternelle; poids de la chair qui résiste à la grâce divine.

                    Mais la jeune fille cherche..., elle ne voit pas «comment et quoi faire pour quitter ce monde» (Vie 4,7). François, à l'exemple de sa propre conversion, lui suggère un geste symbolique: il lui conseille «de sortir de la ville, de quitter les joies d'ici-bas pour prendre le deuil de la Passion du Seigneur.» Ce dernier passage de la "Vie" fait fortement allusion à la lutte du Seigneur lui_même au moment de consentir à sa Passion: «Fixant nos yeux sur le chef de notre foi, qui la mène à laperfection, Jésus qui au lieu de la joie qui lui était proposée, endura une croix... » Et l'auteur de la lettre aux Hébreux conclut: «Par conséquent, pour aller à lui, sortons en dehors du camp... en portant son opprobre» (He 12,2; 13,1). Claire est invitée par François à mettre ses pas dans le chemin qu'a suivi le «chef de notre foi», le Christ.

                 «Ne vous modelez pas sur le monde présent, - avertit Paul -, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait» (Rm 12,1-2). Claire, à ce moment décisif de sa vie, discerne cette Volonté avec une particulière acuité. Elle a mûri sa décision au creux du silence, de la contradiction familiale, de la prière fervente, et de la solitude d'un projet original, personnel qui s'inscrit dans la lumière nouvelle du charisme de François. «Le Très-Haut Père céleste a daigné, par sa miséricorde et par sa grâce, éclairer mon coeur, pour qu'à l'exemple et selon l'enseignement de notre très bienheureux père François, je fasse pénitence» (Test 24). En cette confidence qu'elle inclut dans son testament, Claire se souvient de ce mouvement intérieur si fort qui l'a entraînée définitivement dans le chemin de la "perfection" évangélique et de la conversion.

                La nuit qui suit le Dimanche des Rameaux, début de la Grande semaine où l'Église engage ses pas derrière son Époux humilié, Claire, à l'âge de 18 ans, dans cette décision profonde qui la soutient, «laisse derrière elle sa maison, sa famille, sa cité, et se rend en hâte à Sainte-Marie de la Portioncule», ce berceau de l'Ordre franciscain. «C'est là qu'elle donna au monde son acte de divorce» (Vie 8). Mais, conduite par François et confiée par lui aux Soeurs bénédictines, Claire doit encore affronter la réaction de sa famille qu'elle n'a pas avertie: «La rage au coeur, ils condamnaient unanimement la décision et l'initiative de la jeune fille» (Vie 9).

                Cette longue lutte contre les siens fut sans doute, dans le plan de Dieu, très nécessaire pour l'arracher définitivement à l'affection et à l'espérance de sa parenté terrestre,

«Les assauts redoublés de sa parenté ne font que renforcer son courage; son amour du Christ, aiguillonné par les injures, lui infuse des forces supplémentaires pour soutenir la lutte. Pendant plusieurs jours elle eut à surmonter ces obstacles qui entravaient sa marche vers le Seigneur, à subir les attaques des siens contre sa volonté de sainteté, mais ... elle exhortait son âme à tenir bon» (Vie 9).

              L'épreuve est un feu qui fait mûrir l'authenticité de la vocation. «Mon fils, dit l'Ecriture, si tu prétends servir le Seigneur, prépare-toi à l'épreuve, fais-toi un coeur droit, arme-toi de courage»(Si 2,1-2). Enfin, témoigne Jean de Ventura: «Lorsque ses parents voulurent l'arracher à l'église Saint-Paul et la ramener à Assise, elle leur montra sa tête tondue» (Pr XX,6), signe évident au Moyen-Âge de sa décision irrévocable d'être réservée à Dieu dans la vie religieuse ou pénitente.

                Cette première victoire de Claire contre l'attente des siens n'est cependant que l'extérieur de l'épreuve. Le Seigneur lui_même sonde son coeur car «elle ne peut trouver la paix» en ces lieux où François l'a conduite : l'abbaye St-Paul, puis, durant son court séjour au monastère des recluses de St-Ange de Panso. Privée du milieu de sa famille où elle était entourée de soins, d'affection et de considérations, elle se retrouve au milieu de communautés qu'elle ne connaît pas, et qui, de plus peut_être, sont éloignée de la forme de vie que François lui_même lui a enseignée. Là, elle est invitée à creuser sa confiance en Dieu.

                Claire se souvient, avec une particulière affection, de sa jeune soeur Catherine qu'elle aimait beaucoup. Dans la nouveauté de sa situation, elle désire sa présence, «elle souhaite la voir se donner à Dieu.» Et le biographe précise: «Au tout début de sa vie de prière, [Claire] recommandait particulièrement à Dieu de tout l'élan de son coeur cette intention.» Catherine, cependant, ne partage pas encore la vision et la vocation spirituelle de sa soeur. L'aînée «priait donc avec instance le Père des miséricordes afin que le monde perdît de ses attraits aux yeux de sa soeur..., et que la fréquentation de Dieu devînt douce à son âme.» Bientôt Dieu qui n'abandonne jamais ses pauvres «ne tarda pas à exaucer la demande de Claire et à lui accorder cette faveur qu'elle sollicitait en tout premier lieu» (Vie 24).

                De nouveau, elle doit affronter l'opposition déterminée de sa famille, à la suite du départ secret de la jeune soeur. Celle_ci, partageant la foi et le courage de Claire, se renforce dans sa décision, à tel point que François la surnomme, après sa victoire, du nom de la jeune martyre de Rome, "Agnès".

                Dans son Testament, la Sainte décrit elle-même cette période: «Nous étions restées dans un autre lieu (St-Ange de Panso), bien que peu de temps» (Test 32). Pendant quelques mois encore, Claire essaie de pacifier son âme dans l'oraison, mais elle reste insatisfaite, inquiète même, sans doute craignant les retours de sa famille et désirant d'autre part un lieu plus favorable, tout en «craignant de nouveaux changements de domicile» (Vie 5,10). François, à plusieurs reprises, lui suggère de les conduire en la petite église de St-Damien qu'il a restaurée de ses mains et où il a pressenti d'avance leur présence. Claire se décide enfin à suivre le conseil de François et à partir pour St-Damien: «...par la volonté de Dieu et de notre très bienheureux père François, nous allâmes demeurer à l'église de St-Damien où, en peu de temps, le Seigneur, par sa miséricorde et par sa grâce, nous multiplia» (Test 30-31). Claire trouve ainsi le lieu concret où son cheminement spirituel prendra son élan propre et atteindra sa pleine réalisation ecclésiale.

                2) L'entrée dans le monde des pauvres.

                «Spontanément, elle étendait la main vers les pauvres...» (Vie 2).«Madame Claire aimait beaucoup les pauvres» (Pr I,3). Telle était la disposition intérieure de Claire au cours de son enfance et de sa jeunesse aisée. Mais, maintenant, elle est pauvre; elle partage la condition des pauvres, à cause de l'Évangile : «... par inspiration divine, vous avez choisi de vivre selon la perfection du saint Évangile», leur écrit François en ces débuts. Cette situation de vie change radicalement la vie spirituelle de Claire. La pauvreté évangélique influe sur toute sa vocation à la suite du Christ, dans son chemin vers Dieu. C'est là d'ailleurs où François la convie spécialement. Dans son Testament, Claire se souvient de cette démarche décisive où elle a choisi, de plein consentement, et dans un grand désir, ce chemin de pauvreté:

                «Le bienheureux François, considérant que nous étions fragiles et faibles selon le corps et que, cependant, nous ne refusions aucune nécessité, aucune pauvreté, aucun labeur, aucune tribulation, même aucun avilissement et aucun mépris du siècle, bien au contraire, que nous les comptions pour grandes délices, comme il nous avait fréquemment examinées d'après les exemples des saints et de ses frères, il se réjouit beaucoup dans le Seigneur» (RCl 6,3).

                La confidence de Claire sur ses débuts fervents fait allusion à "l'exemple des frères". En effet, l'Anonyme de Pérouse rappelle les origines très humbles du mouvement franciscain, où frère Bernard donne déjà le sens profond qui oriente ce nouveau genre de vie: «Certes, il n'y a pas de doute, nous sommes pauvres! Mais notre pauvreté ne nous pèse pas, comme aux autres la leur. Car nous, par la grâce de Dieu et pour suivre son conseil, nous sommes devenus volontairement pauvres 10

                Cette manière de vivre pauvre vient du conseil évangélique: «Quiconque parmi vous ne renonce pas à tous ses biens ne peut être mon disciple.» (Lc 14,33) Ou encore, plus explicitement, de la consigne donnée par Jésus à cet homme qui veut le suivre: «Tout ce que tu as, vends_le et distribue_le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux; puis viens, suis-moi» (Lc 18,22). Invitation fondamentale à suivre le Christ de très près dans sa kénose de Fils de Dieu épousant l'humanité dans sa fragilité: «Il voulut apparaître dans le monde méprisé, indigent et pauvre» (1L 19).

                Claire rappelle ce parcours : un cheminement qui lui a été joie et douceur malgré l'aspérité des débuts. Oui, dira-t-elle, à la fin, sur son lit d'agonie, «depuis que j'ai expérimenté la grâce de mon Seigneur Jésus Christ par l'intermédiaire de son serviteur François, aucune peine ne m'a semblé dure,aucune pénitence accablante, aucune infirmité insupportable» (Vie 28).

                3) L'incertitude quant à l'avenir de sa forme de vie
                    et les nécessités quotidiennes

                La vie de Claire, dans le don quotidien de sa vocation qu'elle reçoit chaque jour "du Père des miséricordes" (Test 2), a été un vécu de foi et de confiance sans cesse renouvelée. Sa vie religieuse n'a guère connu de tradition antérieure et la sécurité des biens matériels, sauf celles de l'espérance et de sa foi quotidienne en Dieu. Comme l'invitait d'ailleurs François par la petite formule initiale: «Vous vous êtes faites filles et servantes du... Père céleste, et vous avez épousé l'Esprit Saint». C'est le Père lui_même qui prend soin de son «petit troupeau engendré dans sa sainte Église par la parole et l'exemple du bienheureux François..., pour suivre la pauvreté et l'humilité de son Fils bien-aimé»(RCl 6,3; Test 46).

                Parmi les épreuves qui ont affiné et purifié la patience de Claire dans ce chemin vers Dieu, deux situations de vie ont été particulièrement pour elle des lieux évangéliques de progrès vers la maturité spirituelle: l'incertitude face à l'avenir de sa forme de vie, et les nécessités quotidiennes.

                -L'incertitude quant à l'avenir de sa Forme de vie:
                        Le "Privilège" de Pauvreté, donné par l'Église dès 1216, quatre ans à peine après leur installation à Saint-Damien, caractérise la Forme de vie et l'observance des premières soeurs. Il les établit dans la confiance évangélique:

«Désirant vous consacrer au seul Seigneur, vous avez abdiqué l'appétit des choses temporelles..., et vous vous proposez de n'avoir absolument aucune possession. Le manque de biens ne vous détourne pas d'un propos de ce genre, car la gauche de l'époux céleste est sous votre tête pour soutenir les infirmités de votre corps que vous avez soumises à la loi de l'esprit par une charité ordonnée. Pour sûr, celui qui nourrit les oiseaux du ciel et revêt les lis des champs, ne vous fera également pas défaut pour votre nourriture et votre vêtement.» 11

                Il reste cependant que Claire et François, jusqu'à leur mort, ont dû s'établir dans cette paix et cette confiance pour ce qui concernait l'avenir de leur idéal évangélique qu'ils voulaient bien concret 12. La force de demeurer fidèle dans sa marche à la suite de Jésus pauvre, Claire la puise dans l'oraison, les yeux fixés sur le Christ pauvre. Elle s'affermit aussi dans l'exemple de ses soeurs, dans une mutuelle émulation fraternelle. En témoignent ses lettres et son Testament: «Tu supplées merveilleusement à ce qui est défectueux en moi, dans l'imitation des traces de Jésus Christ pauvre et humble.» (3L 4)13 Cette confidence de l'humble abbesse exprime très bien sa disposition intérieure. C'est d'une façon communautaire et ecclésiale que Claire entend réaliser sa vocation de pauvreté évangélique et poursuivre son chemin vers Dieu.

                - Les nécessités d'une vie pauvre.
                        Le cheminement spirituel se situe concrètement dans une vie quotidienne avec sa monotonie, son service mutuel et les imprévus de la maladie, des épreuves, des tentations. Il semble que Claire ait été à l'aise en cet aspect de son vécu. Les témoins immédiats, ses soeurs, nous affirment qu'elle rayonnait de joie et de paix réalisant ainsi ce qu'elle écrit elle_même par deux fois à sa correspondante lointaine: «D'une course rapide, d'un pas léger, sans entraves aux pieds, pour que tes pas ne ramassent même pas la poussière, sûre, joyeuse et alerte, marche prudemment sur le chemin de la béatitude» (2L 11-13); et encore: «Réjouis-toi toujours dans le Seigneur, très chère, et que ne t'enveloppent ni l'amertume ni le brouillard» (3L 10-11).

                Cela révèle que Claire avait assumé pleinement dans la grâce et le don de sa vocation, cette "imitation" de la pauvreté du Fils de Dieu qu'elle avait promise entre les mains de François. L'âme et le corps suivaient volontiers l'esprit en sa décision évangélique. Ainsi par exemple, pour son corps, très tôt (dès 1224) la maladie retint Claire dans son lit, même du vivant de saint François. Malgré tout, cette situation qui contrarie ses désirs trop ardents de mortification, la trouve prête et heureuse, jusqu'à la fin.14

                La même attitude de Claire s'observe lorsque la maladie frappe et atteint ses soeurs. Elle compatit et apprend à doser, à discerner le juste équilibre des observances, selon sa propre confidence: «Ta prudence aura appris que pour les faibles et les malades, il (François) nous a averties et nous a demandé d'avoir toute la discrétion que nous pourrions.». Et, elle ajoute: «notre chair n'est pas une chair de bronze et notre force n'est pas la force de la pierre; bien au contraire, nous sommes fragiles et enclines à toutes les faiblesses corporelles. Très chère, je te prie et te demande dans le Seigneur de te détourner sagement et discrètement d'une certaine austérité..., pour que vivante tu loues le Seigneur, que tu rendes au Seigneur un hommage raisonnable et ton sacrifice toujours assaisonné de sel» (3L 31. 38-41). En cela Claire montre que la maladie est souvent le contrepoids naturel à une trop grande ferveur de l'idéal; mais aussi la mise à l'épreuve, le "test" de la vérité et de la ferveur de ce même amour, car la maladie peut aussi conduire au désespoir ou à la nonchalance dans les observances promises.15

                4) L'épreuve de la tentation:

                La vie spirituelle de Claire, à l'exemple de Jésus et de tous ses disciples, a connu ses heures de tentations, d'obscurité, de lutte intérieure. D'après ses conseils eux_mêmes, nous pouvons supposer qu'elle a été tentée d'orgueil, de vanité par son milieu social, à cause justement de la situation honorable dans laquelle sa naissance la plaçait et la destinait. En ce sens, elle écrira à la princesse Agnès: «Je te vois... supplanter d'une manière terrible et soudaine les astuces de l'ennemi rusé, l'orgueil qui perd la nature humaine, la vanité qui rend sots les coeurs humains.» (3L 6.20). Et encore: «Qui ne détesterait les pièges de l'ennemi du genre humain qui, par le faste des gloires momentanées et trompeuses s'efforce de réduire à rien ce qui est plus grand que le ciel», (l'âme humaine pouvant contenir Dieu: v.20).

                Elle conseille sa correspondante Ermentrude à ce sujet et lui demande de résister, de se fortifier contre ces vains attraits: «Que ne te troublent pas les bruits du monde qui fuit comme l'ombre; que ne te fassent perdre la raison les vains fantômes du monde trompeur; aux sifflements de l'enfer, bouche tes oreilles et, forte, brise ses efforts» (L Erm 5_6). Elle y revient encore dans sa Règle: «J'avertis et j'exhorte dans le Seigneur Jésus Christ: que les soeurs se gardent de tout orgueil, vaine gloire..., souci et préoccupation de ce monde» (RCl 10,6).

                La tentation du désespoir aussi semble avoir été pour Claire un chemin de discernement, dans l'obscurité. Elle nomme cette tentation "la maladie du désespoir" qui guette surtout les malades, en particulier celles qui souffrent de longue maladie. Nous savons que la sainte Mère fut malade durant plus de vingt-huit ans. Il est donc facile de comprendre sa compassion et la justesse du conseil donné dans sa Règle aux autres soeurs qui seront établies dans la fonction d'abbesse: «Qu'elle soit l'ultime refuge pour celles qui sont dans la tribulation, de peur que, si auprès d'elle manquent les remèdes pour la santé, la maladie du désespoir l'emporte chez les malades» (RCl 4,2). Le Procès nous décrit l'aide de Claire elle_même pour une soeur ainsi tentée: «Lorsque que madame Claire voyait une soeur souffrir de quelque tentation ou tribulation, elle l'appelait discrètement, pleurait avec elle, la consolait et parfois même se jetait à ses pieds» (Pr III,16; X,5).

                Claire subit, un soir, une semblable provocation de l'ennemi. Si celui_ci la prévient et la menace de cécité, elle lui réplique aussitôt: «On n'est pas aveugle si l'on voit Dieu!» Et s'il la détourne de la grâce des larmes, elle sait avec confiance que «on ne souffre aucun tourment au service du Seigneur» (Vie 12,19).

                Claire, avec persévérance, réalise dans sa vie ce conseil qu'elle écrivait à Agnès: «Si quelqu'un te suggérait autre chose qui empêcherait ta perfection, qui paraîtrait contraire à ta vocation divine, refuse d'imiter son conseil. Mais, vierge pauvre, embrasse le Christ pauvre» (2L 17)16. Nous trouvons dans ce conseil la raison principale de la rédaction de son Testament: elle veut prévenir ses soeurs de la tentation de «s'écarter» de «la voie de sainte simplicité, humilité, pauvreté», promise à Dieu.

D) Assumer son humanité: maturité humaine et spirituelle de Claire.

                Avant la conversion de sa vie pour Dieu, la jeune Claire Favarone manifestait, aux regards de ses proches, «une grande maturité d'esprit» (Pr XVII,14).

                Au soir de sa vie, après avoir laissé mûrir son humanité dans le Miroir d'éternité qu'est le Christ pauvre et humble, Claire s'écrira: «Béni sois-tu, Seigneur, toi qui m'as créée!» (Pr III,20).

                La sainte d'Assise a profondément assumé sa propre humanité dans le vécu concret de son cheminement spirituel. «Clair miroir offert au monde!», dira la Bulle de canonisation. Relevons ici quelques aspects plus probants qui nous révèlent une richesse d'humanité capable de nous enseigner encore aujourd'hui:

                1) sa capacité de décision
                        . dans sa relation à Dieu
                        . dans le propos de sa «sainte vocation».
                2) son sens du discernement et de la discrétion,
                3) son acceptation amoureuse des contingences humaines,
                4) sa qualité d'humanité envers autrui.

                1) Décision et fidélité persévérante
                        . dans sa relation à Dieu:

                Les contemporains de cette fille d'Assise témoignent à l'unanimité, lors du Procès, comment Dieu devenait de plus en plus le seul Seigneur de sa vie. Son "propos", sa décision humaine puisait la force de persévérer dans cette relation à Dieu qu'est l'oraison. En cette prière assidue, le mystère de la pauvreté et de l'humilité du Dieu vivant venait imprégner et envelopper de plus en plus son existence humaine. C'est de Dieu qu'elle tenait, comme un don, son vécu et son existence humaine de chaque jour. «Elle n'aurait pu être si sainte, -constate soeur Cécile- si Dieu n'avait versé à profusion en son âme les grâces décrites et bien d'autres encore dont elle était parée» (Pr VI,5). Et Philippa ajoute: «Après que madame Claire fut entrée en religion, le Seigneur la fit continuellement croître en vertus et en dons» (Pr III,3). Elle-même, Claire, confesse à la fin de sa vie: «Celui qui t'a créée, t'a aussi sanctifiée» (Pr III,20).

Le Procès de canonisation et le Récit primitif de sa vie nous décrivent ce climat où Claire mûrissait sa vocation et sa décision humaine:

«Elle veillait longtemps, la nuit, en oraison... Elle était assidue à l'oraison et fervente; elle restait longtemps et humblement prosternée jusqu'à terre. Lorsqu'elle revenait de l'oraison, elle instruisait ses soeurs et les réconfortait; elle leur parlait toujours de Dieu, elle avait toujours son nom sur les lèvres et ne voulait jamais parler ni entendre parler de choses futiles et vaines» (Pr I, 7-9).

«On devinait chez Claire, à des indices répétés, la force qu'elle puisait au foyer de son ardente prière, et aussi la douceur qu'elle ressentait à la fréquentation de la bonté de Dieu. C'est ainsi que, dans ce monde qui passe, unie pour toujours à son noble Époux, elle trouvait continuellement une nouvelle saveur aux mystères d'en-haut. C'est ainsi que, dans le tourbillon perpétuel des événements d'ici-bas, elle s'accrochait à la seule puissance inébranlable» (Vie 12,20).

 

                Ainsi, Claire vivait déjà la vérité éternelle de son être humain par cette oraison continuelle où se façonnaient sa vie et sa forme de vie: à la lumière du Fils de Dieu, Miroir de l'éternité17.

                . Décision et persévérance dans le propos de sa «vocation»:

                Le comportement de Claire, tout au long de sa vie religieuse, montre une remarquable capacité de décision, de fidélité quant à sa vocation, de liberté intérieure peu à peu acquise par l'expérience de cette forme de vie, et enfin, d'une énergie peu commune pour la défendre18. Les contemporains et les compagnes de Claire ne cessent de nous l'affirmer.

Ainsi, Pacifica:

«Claire aimait la pauvreté d'un amour si fort que jamais on ne put l'amener à garder en propre quoi que ce soit,
ni à recevoir des possessions pour elle-même, ni pour le monastère...
«Le Seigneur pape Grégoire voulait donner beaucoup de choses et acheter des propriétés pour le monastère, mais madame Claire ne voulut jamais y consentir...
« Madame Claire était aussi attachée aux observances de son Ordre et à la garde de ses soeurs que ne le fut jamais un homme à la garde de son trésor temporel» (Pr I,13-14; cf. II,22; III,14).

Et Philippa:

«Elle aima tellement son Ordre qu'elle ne voulut jamais négliger la plus petite chose des observances de cet Ordre, même quand elle était malade» (Pr III,31; cf. IV,17).

Et Cécile:

«Elle veillait et confirmait par son exemple, dans leur ferme résolution de mener la vie religieuse, les soeurs de tous les monastères» (Pr VI,2).

                Sa décision est active, continue, empressée. Claire est une contemplative "active", c'est-à-dire, vigilante, ferme dans son propos, dans la poursuite de ce «bon commencement» de sa vocation reçue comme un don du «Père des miséricordes» et qu'elle doit faire fructifier tant en elle que chez ses soeurs (Test 18). Ainsi Cécile nous l'affirme au sujet du travail: «Elle ne voulait jamais rester oisive un seul instant, même à l'époque de la maladie dont elle mourut, se faisant dresser et asseoir sur son lit et elle filait» (Pr VI,4). Et Balvina: «Elle était assidue et zélée pour la prière et pour la contemplation, et pour l'instruction des soeurs; elle mettait à ces activités tout l'empressement qu'elle pouvait» (Pr VII,3).

                Son hagiographe nous résume les différentes activités qui, au cours de sa vie, au milieu de ses soeurs, avec elles, leur ont témoigné de sa profonde décision de vivre humble et pauvre:

«Jamais elle ne refusa les besognes réservées aux servantes; la plupart du temps, c'était elle qui versait l'eau sur les mains des soeurs, qui les faisait asseoir et les servait, qui leur apportait leur repas. Si elle donnait un ordre, c'était à contre-coeur, car elle préférait agir elle-même plutôt que de commander. Avec toute sa grande noblesse de coeur, c'était encore elle qui nettoyait, qui lavait le matériel d'infirmerie. Il lui arrivait souvent de laver les pieds des soeurs qui revenaient du dehors, puis de les baiser» (Vie 7,12).

 

                Cette décision, Claire la manifeste encore par une audacieuse confiance devant les autorités de l'Église ou de l'Ordre des frères qui cherchaient à atténuer, pour elle et ses soeurs, des observances qu'elle jugeait importantes pour réaliser la Forme de vie léguée par François. Son Testament demeure le grand témoin de sa volonté qui est aussi celle de François, illuminée par le don du Père des miséricordes, lors du "bon commencement". Profondément, elle sait que sa communauté est ce "petit troupeau" voulu par le "Dieu pauvre" et que l'Église se doit de «toujours encourager et conserver» (Test 46-47).

                2) discernement et discrétion de Claire:

                La décision humaine, même spirituelle, atteste sa qualité lorsqu'elle est consolidée et actualisée par le discernement qu'impose chaque situation de vie. En langage monastique on nomme ce discernement :discrétion. En cela, Claire a cheminé comme tout être humain. Aidée par une maturité d'esprit précoce, elle a appris peu à peu à orienter les désirs ardents qui l'inclinaient vers une mortification excessive, une observance, certes fervente, mais pas toujours discrète ni respectueuse des lois pédagogiques de l'avancée spirituelle19. Son ardeur pour les jeûnes corporels, les cilices et les veilles suscite même la compassion et l'affliction de son entourage: «Cette bienheureuse mère veillait si longtemps la nuit, en oraison, elle faisait une telle abstinence que les soeurs s'en affligeaient et s'en lamentaient; moi-même, j'en ai pleuré bien souvent,» avoue Pacifica. Et elle continue: «Elle faisait une telle abstinence qu'elle en tomba malade. Aussi saint François et l'évêque d'Assise lui commandèrent-ils de manger» (Pr I,7-8).

                Ce fait nous révèle la recherche intérieure de Claire: elle veut exprimer concrètement son amour et sa compassion pour le "Pauvre crucifié". Grâce à la sollicitude de ses soeurs qui l'estiment, Claire s'ajuste à elles avec discernement: «Même si elle utilisait de si rudes cilices pour elle_même,cependant elle se montrait très miséricordieuse pour les soeurs qui ne pouvaient endurer de telles austérités, et elle les en consolait avec beaucoup de gentillesse», nous rapporte Benvenuta, Et celle-ci continue: «Ce cilice, [Claire] le portait très secrètement, de peur d'être réprimandée par les soeurs. Mais du jour où elle fut malade, les soeurs lui subtilisèrent de si rudes vêtements» (Pr II,7).

                Il nous est bon de saisir comment Claire apprend à discerner le vrai chemin de sa vocation par cet acquiescement qu'elle offre aussitôt au conseil de l'évêque et à celui de François, à ses soeurs et à l'état de son propre corps, elle-même devenue malade. En traversant l'expérience, elle affine cette ferveur en regardant la miséricordieuse tendresse du Père (Test 2.15-16), les «entrailles du Christ»(1L 31), et en éprouvant «la suavité de ses propres entrailles de mère» (4L 5). Située en ce lieu vital, elle accède à sa véritable humanité en apprenant la discrétion, cette «mère des vertus» dont la conscience personnelle est le premier témoin. Dans ce discernement judicieux du bien et du mieux, Claire pourra désormais élaborer elle-même sa forme de vie et communiquer aux autres cette sagesse intérieure. Ainsi écrira-t-elle à Agnès, qui commence:

«Très chère, je te prie et te demande dans le Seigneur de te détourner sagement et discrètement d'une certaine austérité dans l'abstinence, indiscrète et impossible, que j'ai appris que tu avais entreprise, pour que, vivante, tu loues le Seigneur, que tu rendes au Seigneur un hommage raisonnable, et ton sacrifice toujours assaisonné de sel» (3L 40-41).

                Les lettres et les autres écrits de Claire, élaborés après la mort de François, au cours des dernières années de sa vie, offrent encore aujourd'hui la source d'un enseignement spirituel caractérisé par un juste équilibre, fruit de cette "discrétion" attentive. Les observances de sa Forme de vie, puisées aux sources de l'Évangile, de la Règle de François et des traditions monastiques, bénéficient d'une application quotidienne ou occasionnelle, «selon les personnes, les temps, les lieux» (RCl 2,16), et «les nécessités»20.

                Claire peut justement être décrite comme

«celle qui gouverna son monastère avec soin et prudence: vigilante pour surveiller, zélée pour diriger, attentive pour exhorter, diligente pour instruire, modérée pour corriger, discrète pour commander, accueillante pour consoler, recueillie dans le silence, mesurée dans ses propos, sage dans ses décisions destinées à guider vers la perfection» (Bulle de canonisation, 9).

                3) Acceptation amoureuse des contingences humaines

                Qui évoque la réalité présente de l'humanité, évoque sa contingence et dit ainsi sa finitude et ses limites. La personne humaine n'a pas en elle-même sa propre origine. L'expérience quotidienne nous l'enseigne à chaque pas de notre vécu. Recevoir en sa chair et son esprit, et approfondir cette vérité de notre être dans la lumière de l'humanité du Fils, est souvent la source et le commencement de notre transformation intérieure.

                Cette conscience vitale de notre réalité humaine, Claire a voulu et désiré la vivre avec une intelligente et intense ferveur. En cela, "l'onction de l'Esprit"(Vie 2,49) l'éduquait et lui faisait comprendre dans le Miroir d'éternité qu'est la vie du Christ humble et pauvre, ce qu'est à la fois la réalité humaine et la véritable vocation de cette humanité aimée de Dieu: «Un si grand et un telSeigneur a voulu apparaître dans ce monde, méprisé, indigent et pauvre, pour que les hommes qui étaient très pauvres et indigents deviennent en lui riches» (1L 19-20). Cette richesse divine, Claire la nomme: «vivre toujours dans la souveraine pauvreté»(2L 2; cf. Prologue de la Règle).

                Il semble que Claire et François aient saisi, par une intuition spirituelle très sûre, un aspect caché du mystère du Dieu vivant que nous révèle ainsi l'apôtre Paul: «Vous connaissez la générosité de notre Seigneur Jésus Christ qui pour vous s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin de nous enrichir par sa pauvreté» (2Cor 8,9; cf. Ph 2,5-6). Dieu en son Fils nous enrichit par sa pauvreté! Sans citer nulle part cette phrase de l'Écriture, Claire la sous-entend à chaque pas de son expérience spirituelle. Entre autres, cette affirmation du Testament: «Ce Dieu qui, pauvre fut déposé dans une crèche, pauvre, vécut dans le siècle et nu est resté sur le gibet» (Test 45). Cette Pauvreté, la très haute Pauvreté, devient pour Claire le "Miroir d'éternité"21.

                La contingence humaine elle-même devient le lieu où nous apprenons quelque chose du mystère de Dieu: son don, sa générosité. Sans doute, le charisme de Claire et François nous apprend que Dieu n'est pas "riche" tel que nous sommes portés à le penser. Il est riche de son Don continuel, de sa "souveraine Pauvreté". avec cette différence qu'il la vit en Dieu, dans le bonheur, la Béatitude de l'amour, ayant en lui sa propre origine. Tout l'Évangile du Christ veut nous conduire là et nous apprendre à nous donner "comme lui" s'est donné. Jésus n'a pas de plus grande richesse à nous communiquer que sa joie de donner, de pardonner, de nous unir les uns aux autres. «Je crois fermement, -écrira Claire- que le royaume des cieux n'est promis et donné par le Seigneur qu'aux pauvres parce que, lorsqu'on aime une chose, on perd le fruit de la charité» (1L 25). La richesse de Dieu c'est sa "charité ineffable" (4L 18.23.27).

                À cette lumière, il n'est pas étonnant de constater chez la petite pauvre d'Assise une telle disponibilité de service dans son vécu quotidien, un tel réalisme dans son amour d'une vie humble, simple, pauvre, un tel désir de voir réaliser en ses soeurs «l'unité de l'amour mutuel qui est le lien de la perfection» (RCl 10,7). Sa vie se modèle sur celle du Fils de Dieu, Miroir de l'éternité, d'où vient l'inspiration de la Forme de vie: «du mode de sainte unité et de très haute Pauvreté que le bienheureux François vous transmit»22.

L'expérience humaine de Claire:

                Les contingences humaines et spirituelles vécues par l'humble "petite plante" ont été nombreuses et variées, mais pour elle, ces limites, quoique contraignantes, ont eu un effet provocateur, bienfaisant et orienteur. Rappelons brièvement ici quelques aspects particulièrement révélateurs:                       
                        les "fragilités" humaines de Claire et de ses soeurs,
                        le milieu social contraire à sa "forme de vie",
                        l'espace restreint où évolue son cheminement spirituel.

  • . Les "fragilités" humaines de Claire et de ses soeurs:

                Femme lucide et courageuse, Claire a conscience de ce qu'elle est et de ce que requiert d'elle cette vocation à la pauvreté. Elle le mentionne à plusieurs reprises lors de sa correspondance et l'exprime souvent à ses soeurs dans sa Règle et son Testament. Ainsi écrira-t-elle: «Notre chair n'est pas une chair de bronze, et notre force n'est pas la force de la pierre; bien au contraire, nous sommes fragiles et enclines à toutes les faiblesses corporelles» (3L 38-39).

                Sa spiritualité rencontre cette fragilité pour la soutenir et l'orienter. Ainsi, dans sa Règle:

                    -pour les soeurs jeunes d'âge, les soeurs faibles de santé, les soeurs en service extérieur, et encore, pour les autres soeurs, en temps de nécessité évidente, «qu'elles soient miséricordieusement dispensées du jeûne corporel, comme il semblera bon à l'abbesse» (RCl 3,10-11).
                    - pour les soeurs tentées de découragement, ou éprouvées par diverses difficultés psychologiques, morales ou autres, que l'abbesse soit leur refuge assuré et prévenant. Et pour les soeurs proches, que l'amour fraternel dans le secours mutuel, les trouve sans cesse disponibles, prévenantes, chérissant leurs soeurs plus qu'une mère pour sa fille selon la chair (RCl 8,16).
               -pour les soeurs fautives, ou obstinées, enclines à perturber la vie communautaire: que les autres soeurs et l'abbesse prient pour elle, et se gardent de toute colère ou trouble du coeur contre celle qui a faibli. Le pardon doit se maintenir au coeur de leurs fragilités et de leurs infidélités (RCl 9,1-17).

                Dans son Testament et dans sa Règle, donc par deux fois, l'humble Mère communique clairement à ses soeurs comment elle s'y est prise, elle et ses premières compagnes, avec la grâce de Dieu et dans l'illumination première de leur vocation, pour contourner les obstacles qui contrariaient la croissance spirituelle de leur charisme: «Nous étions fragiles et faibles selon le corps, et cependant nous ne refusions aucune nécessité, aucune pauvreté, aucun labeur, aucune tribulation, même aucun avilissement et aucun mépris du monde» (Test 27; RCl 6).

                Donc, en vivant la limite elle-même, en la recevant avec amour comme un don particulièrement cher, attaché à la grâce de la pauvreté, Claire et ses soeurs ont progressé dans la compréhension de leur appel et se sont le mieux orientées dans le chemin étroit de «l'imitation du Christ pauvre et humble» (3L 4).

                La maladie que la «pauvre petite mère» (4L 33) a vécue nous montre bien la véracité de ses propos et la continuité de sa décision. Impuissante et fatiguée, Claire garde ferme le flambeau de sa première ferveur durant ces vingt-huit de patience avec elle-même:
«Devenue malade de telle sorte qu'elle ne pouvait se lever du lit,... elle filait» (Pr I,2; VI,14).
«Même malade, elle ne voulut jamais laisser ses oraisons accoutumées» (Pr II,19; XIV,2).
«Elle ne voulut jamais cesser de faire la plus petite chose des observances régulières, même quand elle était malade» (Pr III,31; IV,17).

                Au plus fort des épreuves, Claire, plus démunie, remet son fardeau à Dieu avec une suprême confiance. Ainsi lors de l'envahissement du monastères par les Sarrasins: «Claire, qui était alors gravement malade, se dressa sur son lit, et faisant appeler toutes les soeurs, elle les pria de demeurer sans crainte» (Pr II,20). Et l'humble fille de Dieu, se plongeant dans une supplication profondément confiante, ajoute: «Seigneur, garde toi_même tes servantes, parce que moi je ne le puis» (Pr IX,2).

  • . Le milieu social contraire à sa forme de vie

                Jeune fille, puis moniale, tout au long de sa vie, Claire suit la lumière intérieure d'un appel divin qui la conduit sûrement dans le chemin de la béatitude évangélique promise par son Seigneur.(1L 13) Messire Pierre rapporte que «nul ne put obtenir qu'elle tournât ses pensées vers les choses du monde» (Pr XIX,2). Nous l'avons constaté précédemment en revoyant les épisodes qui ponctuaient son entrée dans la vie religieuse: «Elle renonça à toutes choses de ce monde et s'en alla servir Dieu sitôt qu'elle le put» (Pr XII,2). La promptitude de sa réponse contourne ainsi les dangers et les tentations auxquels l'expose son milieu social riche et noble car «ses parents étaient venus pour la quérir, et en aucune manière elle ne se laissa arracher de ce lieu, ni reprendre» (Pr XII,4).

                Au monastère Saint-Damien, ce sont les conseils de prudence venant de l'Église, cette fois, qui se mesurent à son propos évangélique. Mais, forte de l'exemple de François et de l'affection, de l'estime profonde que lui témoignent les pasteurs de cette Église, papes et évêques, la sainte Mère ose demander, et obtient, après une longue et persévérante insistance. «Je fus toujours soucieuse avec mes soeurs de garder la sainte pauvreté que nous avons promise au Seigneur Dieu et au bienheureux François» (RCl 6,10). Et, ajoute-t-elle dans son testament: «Craignant cette fragilité en nous-mêmes, encore et encore, nous nous sommes volontairement obligées envers notre dame la très sainte pauvreté, afin qu'après ma mort, les soeurs qui sont et qui viendront ne puissent en aucune façon s'écarter d'elle» (Test 39). En effet, Claire a souvent perçu qu'à cause de leur fragilité, elle et ses soeurs ont sans cesse besoin d'être fortifiées dans ce propos de très haute pauvreté: «Pour plus de précautions, je fus soucieuse de faire renforcer notre profession de la très sainte pauvreté... par desprivilèges du Seigneur Pape... et de ses successeurs» (Test 42).

  •     L'espace restreint où évolue son cheminement spirituel

                Un monastère...

                Sa mère, dame Ortolana, franchit les mers et le continent pour atteindre la Palestine et réaliser ainsi sa dévotion chrétienne. Claire elle-même n'hésite pas à inviter dame Bona, l'amie de sa famille, à suivre un pèlerinage jusqu'en Espagne, comme la piété ambiante y portait (Vie 1; Pr XX,6).

                Pourtant, Claire, d'une commune inspiration avec François, se restreint au seul monastère de Saint-Damien: «Par la volonté de Dieu et de notre très bienheureux père François, nous sommes allées demeurer à l'église de Saint-Damien.» (Test 30) Là, d'une façon verticale, elle va vers Dieu et montre ce chemin à ses soeurs: «Elle les exhortait à imiter, dans leur petit nid de pauvreté, le Christ qui avait été pauvre, le Christ que sa mère, petite pauvre elle aussi, avait couché, nouveau-né, dans une crèche étroite» (Vie 8,13).

                Une cellule...

                Espace de lumière pourtant où Claire prie et, devenue malade durant les dernières années de sa vie, fait rayonner le mystère de la pauvreté de son Seigneur: «C'est dans cette étroite cellule de recluse... qu'elle brisa l'albâtre de son corps,... et toute la maison, c'est-à-dire l'Église, fut remplie de l'odeur du parfum» (Vie 5,10). L'Église, en reconnaissant la sainteté de sa vie, reverra ce mystère en constatant: «Claire vivait cachée, mais sa vie était un exemple; Claire se taisait, mais sa renommée retentissait; enfermée dans sa cellule, Claire n'en était pas moins connue dans toutes les cités» (Bulle de can. 2).

                Son coeur

                Tout s'accomplit, cependant, dans l'espace, plus minuscule encore, du coeur, lieu de sa mémoire: «Souvent elle se remettait en mémoire Celui dont l'amour avait imprimé l'image au plus profond de son coeur» (Vie 19,30).

                Parmi ses écrits, ses lettres témoignent davantage de ce lieu du coeur où elle se laisse entièrement transformer dans le Miroir de l'éternité, le Fils bien-aimé, par l'attention de sa mémoire: «Garde mémoire de ton propos, - écrira-t-elle à sa disciple- Vierge pauvre, embrasse le Christ pauvre» (2L 11.18).
«Pose ton coeur sur l'image de Dieu, et transforme-toi tout entière dans l'image de sa divinité» (3L 13), car, ajoute-t-elle, « ... par la grâce de Dieu, l'âme fidèle est plus grande que le ciel, et cela par la charité» (3L 21).
«Certes, - chante-t-elle encore dans sa dernière lettre, - heureuse celle à qui il est donné de s'attacher de toutes les fibres de son coeur à Celui... dont la contemplation refait..., puisqu'il est le Miroir sans tache» (4L 9.11.14).
«L'amour extrême du coeur» (4L 28) élargit l'espace intérieur et toute étroitesse de lieu à la dimension divine, sans limite aucune.

4) Son humanité envers autrui.

                Le Procès de canonisation nous présente de nombreux témoignages de la profonde qualité humaine de Claire dans sa relation avec son entourage. Elle montre une humanité caractérisée surtout par sa bonté, sa compréhension, sa vigilance, sa sollicitude, son sens éducatif. La vérité de ce qu'elle écrivait s'éclaire par le témoignage de sa vie: «celle qui soulève les membres succombants de son Corps ineffable» (3L 8). Claire sait et connaît dans le Miroir de la vie du Fils de Dieu que le "coeur humain" autant que le grand corps de l'humanité "cache" le "trésor incomparable" de sa vocation, de son véritable devenir (3L 7). Elle sait aussi que la faiblesse de cette humanité est grande, l'empêchant d'accéder et même de percevoir par ses seules forces la réalité cachée de cette vocation éternelle. Claire saisit donc «avec l'humilité, la force de la foi et les bras de sa pauvreté ce trésor incomparable» de la vocation de chaque être humain et le présente à «Celui qui peut faire toute chose de rien», lui qui transformera cette faiblesse «dans l'image de sa divinité» (3L 7-8.13).

                Ainsi dans l'enjeu de cette vie, Claire enseigne à ses semblables et les entraîne en les aimant, en les attirant à Dieu par sa bonté, devenant ainsi le clair miroir de cette véritable humanité.Relisons quelques traits de son humanité:
        - «La bienheureuse mère était envers ses soeurs humble, douce, affectueuse; elle avait compassion des malades»                 (Pacifica) (Pr I,12).
        - «Son coeur était toujours prêt à partager les peines des soeurs et des affligés. Elle considérait toutes les soeurs        comme supérieures à elle; de toutes, elle se faisait la moindre, les servant» (Philippa) (Pr III,9).

                Claire apprend aussi à ses soeurs à respecter en soi_même le processus éducatif de la maladie, de la souffrance: «Madame Claire connut en esprit que soeur Andréa était tentée de guérir à tout prix... des plaies de gorge dont elle souffrait beaucoup.» Avec sollicitude et bonté, Claire l'en reprend (Pr III,16).
                - «Elle aimait ses soeurs comme elle-même» (Amata) (Pr IV,18).
                - «Dans l'oraison, elle avait le don des larmes, mais avec ses soeurs elle ne montrait que joie spirituelle. Elle ne se laissait jamais troubler par la colère; c'est avec beaucoup de douceur et de bienveillance qu'elle faisait des remarques aux soeurs, les reprenant parfois avec beaucoup de soins lorsqu'il le fallait» (Cécile) (Pr VI,4).
            - «Elle avait beaucoup de compassion pour les soeurs, pour leur âme comme pour leur corps» (Lucie) (Pr VIII,3).
               - «Telle fut la bonté de madame Claire qu'aucune parole n'est capable de l'exprimer tout à fait.» (Lucie, Françoise, Béatrice, et d'autres) (Pr VIII,1; IX,1; XII,7)
                - «Lorsque madame Claire voyait une soeur souffrir de quelque tentation ou tribulation, elle l'appelait discrètement, pleurait avec elle, la consolait.» (Agnès) (Pr X,5)
            - «Elle était douce et libérale envers toutes les soeurs. Elle gouverna le monastère et les soeurs avec beaucoup de jugement et de discernement, plus qu'on ne pourra jamais dire.» (Benvenuta) (Pr XI,5)
                - «Elle les guida avec tant de prudence, de douceur et de vigilance dans la pratique de leur vie religieuse et dans l'amour de la pauvreté... » (Christine) (Pr XIII,3)
            - «Lorsque la sainte mère Claire parlait, tout ce qu'elle disait servait à édifier et enseigner autrui.» (Dame Bona) (Pr XVII,8)

                La vision de ces témoignages de vie nous rend présent la particulière humanité de Claire d'Assise: sous l'action de l'Esprit, elle est devenue "femme nouvelle", clair miroir d'humanité nouvelle, miroir du Fils de Dieu, «clair miroir offert au monde», lui montrant «tout ce que Dieu réserve à ceux qui l'aiment» (3L 14; cf 1Co 2,9).

E)    Vivre sa mort dans le mystère pascal
                                du "Pauvre crucifié", le Roi de gloire.

                «Depuis quarante ans déjà, Claire, selon la comparaison de saint Paul, menait la course dans le stade de la très haute pauvreté. Elle approchait du but de sa céleste vocation.» (Vie 25,39)
                    «Le Christ veut introduire dans son palais royal la petite pauvre au terme de son pèlerinage. Quant à elle, elle aspire de tout l'élan de son désir, à être libérée de ce corps mortel et à pouvoir contempler, régnant là_haut dans sa gloire, le Christ qu'elle avait imité sur terre dans sa pauvreté.»(Vie 26,41)

                Ce raccourci biographique du récit primitif nous introduit au coeur du mystère pascal vécu personnellement par la sainte d'Assise.
                Maintenant Claire dans toute «la force de sa foi» (3L 7), «est associée au Roi lui_même qui la conduira dans la céleste chambre nuptiale où il siège glorieux» (2L 5).

                Présence de la Vierge Marie

                Marie, en qui Claire a sans cesse vécu ce mystère d'union, veille elle_même à la sainteté des derniers jours de Claire. La mère du Christ l'annonce à ses filles affligées: «Mes filles, ne pleurez pas celle qui marche vers la victoire, car avant qu'elle meure, elle verra venir à sa rencontre le Seigneur avec ses disciples» (Vie 25,40).

                L'Église-sacrement

                Peu de jours après, la mourante reçoit la visite du pape Innocent IV, de passage à Assise. En cette occasion assez exceptionnelle, Claire, en petite pauvre, demeure lucide sur elle_même et, toute à la joie de recevoir l'illustre visiteur, elle requiert humblement de sa part «le pardon de tous ses péchés. Et il lui accorda une absolution pleine et entière avec la grâce d'une large bénédiction» (Vie 26,42). Le même jour, elle reçoit avec beaucoup de ferveur le Corps du Christ. Sous les signes liturgiques de ce monde: sacrements du pardon et de l'eucharistie, l'union anticipée de l'Époux et de l'épouse s'accomplit pour le grand passage. Ainsi, dans le mystère de la communion de l'Église, Claire vivra ce départ ultime, L'Église est garante de "sa vocation céleste". Claire s'en réjouit profondément: «Mes filles, louez Dieu, car le ciel et la terre ne pourraient suffire à le remercier de tous les bienfaits qu'Il m'a donnés, puisque aujourd'hui, je l'ai reçu lui-même dans le très saint Sacrement et de plus, j'ai vu son Vicaire» (Pr III,24).

                L'Union au Roi de gloire

                Le Procès de canonisation, rédigé quelques mois après le décès de Claire, nous fait revivre l'intimité de cette communauté des premières clarisses d'Assise communiant au mystère d'aboutissement du cheminement spirituel de leur Mère, la "Mère de l'Ordre" (Pr III,31; IV,18; XIII,3). Ses compagnes voient et suivent Claire dans sa configuration intérieure au "Pauvre crucifié" qui vit et meurt avec elle, qui sera son escorte et son soutien comme "Roi de gloire", dans cet exode définitif vers la Vie perpétuelle. Le mystère pascal transfigure ses derniers moments: agonie, derniers enseignements, mort, rayonnement glorieux de son décès anticipant déjà, par des signes, la résurrection du monde à venir. En cette mort avec et dans le Christ, la petite pauvre réalise sa«vocation divine» puisque, maintenant «vierge pauvre, elle embrasse le Christ pauvre, souffrant avec lui, s'affligeant avec lui, mourant avec lui sur la croix» (de la maladie), car elle sait «qu'avec lui elle règnera, avec lui elle se réjouira, avec lui elle possédera les demeures célestes..., pour l'éternité et les siècles des siècles» (2L 19-23).

                Suivons-la depuis ce vendredi soir, trois jours avant sa mort, jusqu'à l'aube de sa montée vers la "Vie perpétuelle", le lundi suivant.

                Amata, vigilant témoin des derniers jours, nous y introduit: «Madame Claire était sur le point de quitter cette vie (c'était le dernier vendredi avant sa mort) et le témoin (Amata) étant demeuré seul avec elle, la mère lui dit: "Vois-tu le Roi de gloire que j'aperçois?" Elle lui posa plusieurs fois la même question» (Pr IV,19). En ce dernier vendredi, c'est Lui, le Christ qui se rend proche d'elle pour revivre en elle «ce passage du monde au Père» (Jn 13). Et Claire désire y associer aussi sa soeur selon l'esprit.

                Soeur Agnès rapporte l'état de prière instante et la profonde union de la sainte mère à ce "Pauvre crucifié": «[Claire] exhortait les soeurs et le témoin lui-même (Agnès) à demeurer en oraison et elle demanda à [Agnès] de réciter la prière des Cinq Plaies du Seigneur, Pour autant qu'on pouvait la comprendre, car elle parlait très bas, elle se récitait continuellement la Passion du Seigneur et prononçait aussi très souvent le nom de Notre Seigneur Jésus Christ» (Pr X,10).

                Ce soir-là, malgré sa faiblesse extrême, Claire perçoit d'une conscience très vive la grandeur de l'événement de sa mort, ce passage obligé de toute vie humaine vécue sous le regard aimant de Dieu: «Elle est précieuse aux yeux du Seigneur la mort de ses saints!» affirme-t-elle à Agnès, en citant le verset du psaume 115 (Pr X,10). Établie dans cette confiance totale, Claire peut remettre elle-même son esprit entre les douces mains de son Créateur. Si souvent elle a prié près de ses soeurs mourantes qui l'ont précédées, et sans doute a-t-elle utilisé ce "rite de la recommandation de l'âme": «Pars, âme chrétienne, de ce monde, au nom de Dieu le Père tout-puissant qui t'a créée, au nom de Jésus Christ, le Fils du Dieu vivant qui a souffert pour toi, au nom de l'Esprit Saint qui a été répandu en toi... »23. Maintenant la sainte mourante veut résumer sa vie dans un monologue de reconnaissance et de bénédiction personnelle: «Pars en paix, en toute sécurité: tu auras une bonne escorte, car Celui qui t'a créée, t'a aussi sanctifiée; il a mis en toi son Esprit Saint et t'a toujours regardée comme une mère regarde son enfant qu'elle aime. BÉNI SOIS-TU, SEIGNEUR, Ô TOI QUI M'AS CRÉÉE!» (Pr III,20)

                Le Christ en elle et près d'elle est cet "bonne escorte" en qui elle se confie totalement, lui qui réalise en ce moment, au-delà de toute espérance, la "vocation divine" en l'humanité de Claire.

                Vie éternelle commencée...

                À ce moment, rapportent les soeurs, lors du Procès: «...Claire dit encore beaucoup de choses, parlant de la Trinité avec une telle profondeur que les soeurs ne pouvaient pas bien la comprendre»(Pr III,20). La mourante pressent dès maintenant le mystère de la communion des Trois; elle ne peut plus balbutier autre chose que le trop plein de ce mystère qui la comble. Soeur Angeluccia commente elle aussi ce fait: «Elle se mit à parler de la Trinité et de Dieu, avec tant de profondeur, que même les plus savants n'auraient pu qu'à grand-peine la comprendre» (Pr XIV,7). Pourtant, ses compagnes veulent comprendre et profiter de ce mystérieux langage: Philippa «dit à une soeur qui était là: "Toi qui as une bonne mémoire, retiens bien ce que dit notre Mère." [Claire], entendant cela, dit aux soeurs présentes: "Vous ne garderez en mémoire ce que je dis que dans la mesure où cela vous sera accordé par Celui qui me le fait dire"» (Pr III,21). Profond avertissement de Claire qui nous révèle la pauvreté, la transparence de son être_miroir, où le Christ agit, parle et enseigne en toute liberté.

                Derniers enseignements

                En ce climat de communion avec Dieu, la petite et pauvre Mère ne néglige pourtant pas ses soeurs qu'elle quittera bientôt, elle qui leur a toujours manifesté la sollicitude d'une mère et d'une soeur. Voici qu'elle revient de cette "profondeur" et, la veille de sa mort, le dimanche soir, elle continue jusqu'au bout à leur communiquer quelque chose de cette Vie: «Durant toute la nuit du jour où elle passa de cette vie, elle parla aux soeurs, les exhortant et les enseignant» (Pr III,20).

      Parmi ces derniers enseignements, brille comme un joyau, le trésor sans pareil de leur "vocation" à la très haute pauvreté:   
«Sur la fin de sa vie, ayant appelé toutes ses soeurs, elle leur recommanda avec insistance le Privilège de la Pauvreté. Longtemps elle avait désiré recevoir confirmation par bulle, de la Règle de l'Ordre, afin de pouvoir un jour porter à ses lèvres ce parchemin et puis, le lendemain, mourir. Il lui advint ainsi qu'elle désirait, car un frère arriva avec les lettres pontificales scellées. Elle les prit en mains avec un grand respect et, bien qu'elle fût proche de la mort, porta elle-même la lettre à ses lèvres, pour l'embrasser.» (Pr III,20)

                Maintenant Claire peut accueillir notre "soeur la mort corporelle", avec l'innocence et la pauvreté d'un tout petit enfant. Elle se remet elle_même entre les mains de Dieu et de ses soeurs: «A la fin, elle fit sa confession..., parce qu'elle craignait d'avoir offensé sur quelques points la foi promise au baptême» (Pr III,20).

                Transparence du Privilège de Pauvreté
                            réalisée en ses derniers moments

                «Puis, le jour suivant - lundi 11 août 1253 - , madame Claire, vraiment claire, sans tache, sans ombre de péché, passa de cette vie au Seigneur, à la clarté de l'éternelle lumière.» (Pr III,20)

                Sa mort réalise et illustre l'affirmation eschatologique du Privilège de la Pauvreté que l'Église lui octroyait comme forme d'Évangile:
                «Pour sûr, Celui qui nourrit les oiseaux du ciel et revêt les lis des champs, ne vous fera également pas défaut pour votre     nourriture et votre vêtement, jusqu'à ce que, passant au milieu de vous, il se serve lui-même à vous, dans l'éternité, lorsque sa droite vous embrassera plus heureusement dans la plénitude de la vision» (Priv.P 5).

                Anticipant ce vêtement et cette nourriture céleste, la Vierge des vierges avait revêtu elle-même Claire «d'une gaze si fine, si transparente que l'on continuait à voir madame sainte Claire bien qu'elle fût recouverte» (Pr XI,4). Ainsi, tout le vécu de pauvreté de Claire apparaît en transparence à l'Église. Elle est devenue ce «clair miroir offert au monde, splendeur ardente qui attirait et attire toutes celles qui veulent allumer leur lampe à un tel feu. C'est elle qui, dans le domaine de l'Église, entretint le jardin de l'Humilité» (Bulle de can. 8).

«Que l'Église notre Mère exulte d'avoir engendré et élevé une telle fille, qui se révéla féconde en vertus, enfanta par ses exemples de nombreux disciples, et les forma, par son enseignement sûr, pour le parfait service du Christ. Que les fidèles se réjouissent, car le Roi des cieux a introduit dans son palais glorieux leur soeur et leur compagne qu'il s'est choisie pour épouse. Que les saints soient dans l'allégresse et célèbrent dans la patrie des cieux ces noces nouvelles de l'épouse du Roi!» (Bulle can.8)


Notes:

8. Voir Test 78 et 3L 13, où Claire d'Assise emploie ces expressions.
9. Cf. Charles_A. Bernard: Traité de théologie de la vie spirituelle, Ed. du Cerf, 1986, p.37.
10. Anonyme de Pérouse V,22; cf. Lc 14,33
11. Privilège de la pauvreté, 2_6 (SC #325)
12. Voir plus loin, dans la 2e partie de cette réflexion: A) Le "bon commencement", #4: Le noyau inspirateur. J'explicite davantage, à cet endroit, les nombreux obstacles que Claire a dû surmonter pour obtenir ce privilège permanent de vivre la pauvreté évangélique, charisme de l'ordre qu'elle fondait.
13. Voir en ce sens tout son Testament. Aussi: Pr I,13_14; III,14.32; XIV,4
14. Voir les citations du Procès et de la Vie dans "À la découverte de Claire d'Assise", (4 tomes édités par les Clarisses de Nantes). Tome I: 5,8 (Claire, malade.)
15. Lire en ce sens : "À la découverte de Claire d'Assise", tome I, 7,3 (conscience de ses fragilités); tome IV, 34,7 (Attention, service des malades).
16. Tout au long de son Testament, Claire enjoint et exhorte fortement ses soeurs dans le même sens: prendre garde, ne pas s'écarter de «la voie de sainte simplicité, humilité, pauvreté», tel que le Christ et saint François «nous l'ont enseignée dès le commencement» (Test 56).
17. J'ai réalisé une'étude particulière sur le sujet: "L'Oraison, d'après la vie et les écrits de Claire d'Assise", où je précise davantage la vie de prière de sainte Claire. À rechercher sur notre site : www.clarissesval.ca , Spiritualité
18. Pour éclairer ce propos: lire l'excellente introduction de Frère Thaddée Matura, ofm, dans l'album du 8e Centenaire "Claire d'Assise, message de lumière", Ed. du Signe, 1991.
19. Les "observances" que le cardinal Hugolin lui avait proposées, au début de sa vie religieuse, ont sans doute influencé dans ce sens sa jeune ferveur monastique. Il est facile de supposer la même orientation donnée par les visiteurs cisterciens responsables de la jeune fondation. Les jeûnes, l'abstinence totale, les veilles, les mortifications corporelles, caractérisaient en grande partie, au Moyen_Âge, la spiritualité des recluses.
20. Chez Claire, ce mot de "nécessités" caractérise souvent le discernement entre l'observance et la situation de la personne. Dans la Règle et le Testament, ce terme est fréquent: voir SC #325, p.231.
Exemples de discrétion chez Claire:
- pour les aliments des faibles et des malades (3L 31)
- dans les abstinences (3L 40)
- Pour les vêtements (RCl 2,16)
- l'équilibre parole-silence (RCl 5,3)
- Dans les avertissements (RCl 10,1): rien qui soit contraire à l'âme et à la forme de profession;
- dans la fonction d'autorité (RCl 9,10; Test 61-66): prévoyance et discrétion envers chacune.
21. Comparer 3L 12 et 4L 14-24.
22. Prologue de la Règle. Cette perspective du mystère de la pauvreté vécue en Dieu, est bien explicité par Fr. Éloi Leclerc, ofm, dans l'opuscule sur "François d'Assise" coll. Les grands maîtres à prier, Cahiers d'oraison, p.16. Il appuie sa pensée, à ce sujet, sur celle de Maurice Zundel.
23. Rituel de la "Recommandation de l'âme". Le Bréviaire conservé au monastère de Saint-Damien (Assise) que, vraisemblablement, Claire a utilisé, contient ces prières du Rituel. Lire, à ce sujet, l'excellent article de soeur Amata, clarisse d'Assise, dans la revue "Claire dans nos Fédérations", avril 1991.


TRAVAUX COMPLÉMENTAIRES

1. Travail personnel de réflexion

  • Je réfléchis doucement à ce qu'a été le vécu spirituel de foi de sainte Claire.Je revois aussi les premiers signes de ma vocation, les épreuves, l'attente, les défis qu'a rencontrés la réalisation de ma vocation; comment le Seigneur, dans sa bonté, m'a fait signe, m'a guidée, illuminée jusqu'ici.
  • Je rends grâce à Dieu et je lui demande humblement de continuer à soutenir ma vie pauvre, à la protéger comme un trésor précieux qui m'unit à Lui.
  • Je note ce qui émerge davantage à la suite de ma réflexion.

    2. Réflexion et attention sur le sens de la "vocation" chez Claire:
                      (clé de sa vie spirituelle, avec l'image du MIROIR)

    Vocation humaine: «Béni sois-tu, Seigneur, de m'avoir créée!» (Pr III)

    Vocation chrétienne: «Le Fils de Dieu s'est fait pour nous la VOIE.» (Test 5)

    Vocation communautaire: «... ce que François nous a transmis et enseigné.» (Test)

    Vocation personnelle: «La vocation divine où l'Esprit du Seigneur t'a appelée... » (2 L)

    - "LETTRE des Ministres généraux", CDNF, déc. 1991 Chapitre 1. pp. 9-28 : Madame Claire.

    -"CLAIRE D'ASSISE", Marco Bartoli, Chapitres 2-3-4-5 et 9

    - INITIATION À CLAIRE D'ASSISE, Sr Claire-Marie Ledoux, osc : Cerf 1996 (pp.25-42)

    - PRIER 15 JOURS avec Claire d'Assise, Soeur Marie-France Becker, osc Édition Nouvelle Cité, # 55


    Cet exposé sur le CHEMINEMENT SPIRITUEL de CLAIRE D'ASSISE a été communiqué en synthèse, sous forme de session,
    - au Monastère des Clarisses d'Antsirabé, (Madagascar), du 5 au 19 juillet 1992
    - au Monastère des Clarisses d'Abidjan, (Côte d'Ivoire), du 30 juillet au 10 août 1992
    - au Monastère des Clarisses de Valleyfield, (Québec), du 24 au 29 janvier 1994
    - au Monastère des Clarisses de Rivière_du_Loup, (Québec), du 14 au 19 mars 1994
    - aux Communautés des Clarisses du Cameroun, à Otélé (Cameroun), du 22 au 29 juillet 1996
    - au Monastère du Chant-d'Oiseau, Bruxelles (Belgique), du 23 au 30 octobre 1996
    - au Monastère des Clarisses de Sorel (Québec), du 24 février au 2 mars 1997.
    Texte revu en 2005 pour publication (droits réservés)

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