EXODE TOUJOURS EXODE
Ce poème est une lamentation sur les massacres qui ont eu lieu au sud du Kosovo, entre autres à Meja en avril 1999. Ces tragédies furent connues et répercutées dans le monde grâce aux cris et aux larmes de tant de survivants. La presse internationale s’est présentée pour constater et diffuser tant de mort quand le sang avait figé et que les sépultures étaient encore sommaires. Quel métier que celui d’être les témoins de l’impensable. La réalité crève, non pas les yeux, mais la miette d’intelligence supposée loger dans l’âme de l’humanité et être transmise de génération en génération. : « mais nous n’apprenons donc rien/ nous vivons avant le point zéro » (poème XIV).
Les mots de ces poèmes se précipitent les uns contre les autres, se traînent choqués et blessés sur les routes, poussés et pressés tristement comme les déportés, les exilés et les réfugiés de l’histoire (poème XXIII). Une force tire, pousse, mêle, détruit et tue. Ce sont des colonnes d’humains qui ont tout perdu et cherchent un lieu qui n’existe pas en avant puisqu’il est justement en arrière, là où étaient un visage, un amour, des mots, des noms, un village, un peu de souffle et d’harmonie. Le drame des victimes et des survivants de Meja est sur le visage de tous les exilés et déportés de la terre, quelles qu’en soient les raisons et les déroulements.
Ce recueil, Exode toujours exode, ne suppose pas un retour à la terre promise mais recueille et pleure les temps où des humains en sont chassés et n’ont même pas le rêve d’imaginer autre chose que des existences brisées et des amours éperdument cassés : « n’est certain que l’exil » (poème XIII). Le drame est celui d’Abel et Caïn qui défont la fraternité originelle et le rapport initial au prochain (poème XVI). Le sang de la victime se lamente dans la même coupe que le souffle de l’assassin car «l’humain est si mis à mal/ s’est usé rompu/ le dernier fil de l’Eden » (poème XXVII).
Gilles Bourdeau, avril 1999 et février 2008